Publié le Mardi 21 janvier 2020 à 16h24.

La liberté d’informer de plus en plus maltraitée par la Macronie

L’interpellation du journaliste Taha Bouhafs, lors du désormais célèbre épisode du Théâtre des Bouffes du Nord, a une fois de plus jeté une lumière crue sur la façon dont le pouvoir considère, et (mal)traite les journalistes… lorsqu’ils et elles font leur métier.  

« La liberté de la presse aujourd’hui n’est plus seulement attaquée par les dictatures notoires, elle est aussi malmenée dans des pays qui font partie des plus grandes démocraties du monde. Elle est malmenée jusqu’en Europe. » Ainsi s’exprimait, le 2 janvier 2018, un certain… Emmanuel Macron. Et même si ce n’est pas ce que le Président de la république avait à l’esprit, nul doute que son constat s’applique sans difficulté à la France. 

« Toute la chaîne de production de l’information »

Impossible de recenser ici l’ensemble des attaques contre les médias et les journalistes depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron. Car, comme le rappelle Acrimed, « les attaques du gouvernement contre les médias touchent toute la chaîne de production de l’information. Elles se manifestent, tout d’abord, dans des projets de loi et des textes législatifs, dont les deux piliers sont la loi dite du "secret des affaires" et la loi « fake news ». Elles prennent aussi la forme de saignées budgétaires, "baisses de dotations" infligées à l’audiovisuel public, qui assèchent un peu plus sa capacité de produire une information de qualité. Elles s’incarnent encore dans des plaintes gouvernementales, ciblant des articles de presse jugés embarrassants pour l’État et ses affaires politico-économiques, ou dans les convocations de journalistes par l’appareil d’État. Elles s’exercent également dans les violences policières à l’encontre des journalistes, visés en tant que tels, entravés sciemment dans l’exercice de leur métier […]. Enfin, ces attaques se traduisent dans un certain nombre de déclarations et d’anathèmes publics qui, du fait de leur fréquence, créent une petite musique témoignant d’un mépris profond pour la profession, autant que d’un rapport pour le moins contrarié à la critique, adossé à une violence, verbale cette fois-ci, parfaitement assumée. »1

Dans le viseur : les journalistes qui font leur travail

Avec la mobilisation contre la « réforme » des retraites, ces phénomènes n’ont pas cessé, bien au contraire. Pas une manifestation, pas une action, sans que des journalistes soient entravés dans l’exercice de leur profession, quand ils ne sont pas tout simplement victimes de violences policières, voire arrêtés. C’est notamment de ce constat qu’est né, à la fin du mois de novembre dernier, le collectif Reporters en colère, qui explique dans le texte publié lors de sa création : « Face à la répression et aux entraves que nous subissons toujours plus sur le terrain dans l’exercice de nos pratiques, face à la précarité croissante qui entache elle aussi nos façons et capacités de travailler, face aux blessures physiques et morales qui nous sont infligées, à nous, à nos confrères et consœurs (plus d’une centaine selon les derniers chiffres […]), face au mépris de certain-e-s qui disqualifient notre travail et soutiennent ainsi l’argument des forces de l’ordre nous empêchant d’exercer et nous criminalisant, nous nous devons d’agir pour le droit d’informer qui nous est cher. »

Macron et les siens, biberonnés aux techniques de management et adeptes de la « start-up nation », n’aiment pas les journalistes qui font leur travail. Pour cette bande de jeunes loups opportunistes souvent venus du privé, l’existence même de contre-pouvoirs est insupportable, à un point tel qu’ils se sentent autorisés à faire interpeller des journalistes pour le seul fait qu’ils et elles exercent leur métier : informer. Cette attitude hostile vis-à-vis des médias et des journalistes qui refusent d’être de simples courroies de transmission du pouvoir se double d’une volonté de liquider les possibilités mêmes de production d’une information de qualité, comme le soulignent, notamment, les grévistes de Radio France, face à la saignée programmée. Au côté de toutes celles et tous ceux qui se mobilisent et/ou qui tentent tout simplement de faire leur métier de journaliste correctement, nous le disons et le répétons : informer n’est pas un délit, et c’est même un besoin essentiel, a fortiori dans un régime dont l’autoritarisme est de plus en plus assumé.