Publié le Vendredi 4 mars 2011 à 09h56.

La prise en charge de la dépendance : une affaire de femmes ?

Le projet de Sarkozy concernant la dépendance est une nouvelle attaque contre le droit à la santé et plus particulièrement le droit à la santé des femmes.

La contre-réforme des retraites a déjà mis en évidence les discriminations entre hommes et femmes. Le projet gouvernemental, la prise en charge de la dépendance par les assurances privées, ne fera qu’aggraver les discriminations. D’ores et déjà ces compagnies proposent des «contrats dépendance» avec un choix entre différentes options. Pour bénéficier d’une protection plus complète il faut donc choisir un contrat plus coûteux, ce qui est discriminant pour les femmes.

L’espérance de vie des femmes est plus longue que celle des hommes. Elles sont donc plus nombreuses à être confrontées à la perte d’autonomie.Les personnes âgées vivant dans les établissements d’hébergement permanents ou temporaires sont pour les 3/4 des femmes malgré de plus grandes difficultés pour y accéder : leurs retraites sont plus faibles, le montant moyen des retraites est tous régimes de retraites confondus de 1426 euros pour les hommes et de 825 euros pour les femmes, alors que le coût de la prise en charge dans ces établissements est prohibitif. A Paris l'hébergement dans les maisons médicalisées coûte entre 2745 et 4575 euros par mois, en province de 1525 à 1830 euros. Sans compter les dépenses liées à la dépendance, en moyenne 1 800 euros par mois à domicile et 2300 euros en établissement.

Les femmes salariées des maisons de retraite sont aussi grandement victimes des discriminations. Le personnel est féminin à 88%. Les conditions de travail sont très éprouvantes en raison d’un manque de personnel chronique. Les salaires sont très bas.

Dans le secteur du maintien à domicile, le personnel est presque exclusivement féminin. Le statut des auxiliaires de vie sociale (AVS) est peu reconnu et dévalorisé, alors même qu’existe un diplôme national.

Le comble est atteint avec les «aidants» dit naturels, des personnes non professionnelles, le plus souvent conjoints ou enfants, qui s’occupent au domicile des personnes âgées dépendantes à plein temps ou à temps partiel. La majorité des aidants sont des… aidantes! Deux chiffres sont particulièrement éclairants: 70% des aidants sont des femmes (conjointes ou filles). Quand la personne aidée est un homme, l’aidant est la conjointe dans 70% des cas. Quand c’est le contraire le conjoint n’est «aidant»que dans 30% des cas (1)! Quand il s’agit des enfants, ce sont les filles plus que les garçons qui s’occupent des parents! La répartition sexuée du travailest la même pour les tâches ménagères, 65% sont réalisées par les femmes contre 45% par les hommes, et pour les soins physiques, 44% contre 26 %.

Rien d’étonnant hélas, dans cette situation! Tous les métiers relevant de l’aide à la personne sont traditionnellement féminins, tant ils renvoient à la division sexuelle du travail: les femmes occupent les postes qui sont des prolongements directs de leur rôle dans la famille. Prendre en charge parents et enfants, n’est-ce pas dans les représentations sociales, leur fonction naturelle? La prise en charge des personnes dépendantes au domicile souligne cruellement la pérennité de ces représentations. Avec le projet de loi sur la dépendance, le statut d’aidantes naturelles sera certainement banalisé et justifié.

La démarche du NPA est tout autre: nous voulons un service public de la dépendance, à tout âge, avec des emplois et des formations adéquates, financé à 100 % par la sécurité sociale, des statuts revalorisés pour le personnel et une lutte pour la mixité des emplois.

La prise en charge des personnes dépendantes et des personnes âgées doit être l’affaire de tous et de toutes, hommes et femmes, filles et garçons. Un nouveau défi dans la lutte contre le sexisme quotidien.

Claude Bergé

  1. 1) En partie cette différence s’explique parce que les hommes meurent plus tôt que les femmes. D'où une pénurie de conjoints aidants pour des femmes âgées dépendantes.