Il y a une dizaine de jours : un homme retranché sur une grue à Nantes manifestait son droit de revoir son enfant, droit qu’on lui aurait injustement retiré à la suite d’une décision de justice, bientôt rejoint par un deuxième qui se hisse à son tour sur une grue. Les médias en ont fait leurs choux gras et les politiques n'ont pas été en reste, le Premier ministre sommant ses deux collègues de la justice et de la famille de recevoir les associations de droits des pères, dont la plus médiatiques d’entre elles, « SOS papa ».Celle-ci s’est empressée de soutenir ces « malheureux papas » et de relayer leur discours : une justice acquise aux femmes en matière de garde d’enfant… Pourtant, Serge Charnay, le premier à être grimpé sur sa grue, a tenté à deux reprises d’enlever son enfant et s’est montré violent envers le père de son ex-compagne. Quant à son compère, il est accusé de violences conjugales… Au-delà de leur cas personnel, il y a derrière cet acte faussement spontané la marque d’un mouvement politique né outre-Atlantique appelé « masculinisme ».Comme son nom l’indique, celui-ci s’est développé en réaction au féminisme, très présent au Québec, un féminisme avant-gardiste et radical. Du côté des masculinistes, c’est essentiellement sous couvert d’associations apparemment apolitiques et entièrement tournées en direction du droit des pères qu’ils prônent un retour aux valeurs patriarcales traditionnelles et une distribution des rôles hommes/femmes figée et déterminée. En bref, les masculinistes militent pour l’instauration d’une société encore plus machiste.Dénoncer et combattreOr, si pendant trois jours les médias français n’ont fait que commenter avec empathie la détresse d’un « papa », d’autres y ont reconnu les modes d’action des masculinistes canadiens, comme Patric Jean, cinéaste et auteur d’un documentaire sur la domination masculine, qui a dénoncé dans une tribune du Monde un « long travail politique » dissimulé. On a d’ailleurs retrouvé le discours masculiniste dans la bouche même de Serge Charnay : contre le « parti du ministère des Femmes » et contre ces « femmes qui nous gouvernent ». Des propos paranoïaques et machistes partagés par l’association SOS papa qui « dérape » régulièrement…Ces actes, présentés comme spontanés, sont intervenus quelques jours avant une journée nationale pour le droit des pères organisée par l’association SVP papa ; hasard du calendrier ? Peu probable… Les masculinistes s’expriment de plus en plus ouvertement en France depuis quelques années, que ce soit à travers ces associations ou de la bouche même de certains polémistes très médiatiques comme le triste Zemmour. Il est insupportable que ce mouvement réactionnaire, machiste, homophobe, trouve un tel écho. Du discours paternaliste et machiste au féminicide (perpétré il y a quelques années dans une université québécoise par l’un d’entre eux), il n’y a qu’un pas qu’on ne doit pas leur permettre de franchir.Nils Lamrani
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