Publié le Samedi 4 juillet 2009 à 13h39.

Loi sur "les bandes" : vers un "délit de manifestation" ? 

En prétextant s’attaquer aux bandes, le projet de loi Estrosi prépare la répression du mouvement social.  

Comme souvent avec Nicolas Sarkozy, il y a en apparence au départ de cette loi un fait divers. Le 18 mars, à Gagny (Seine-Saint-Denis), une vingtaine de jeunes gens, encagoulés et armés, avaient envahi un lycée.

Le texte déposé  par Christian Estrosi, député UMP et maire de Nice, récompensé  avec le poste de ministre de l’Industrie, s'inscrit dans une batterie de mesures décidées et annoncées par Nicolas Sarkozy. L’article premier « instaure une nouvelle incrimination réprimant de façon spécifique la participation à une bande ayant l’intention de commettre des violences ou des atteintes aux biens […], le fait de participer, en connaissance de cause, à un groupement, même formé de façon temporaire, qui poursuit le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre des violences volontaires contre les personnes ou la destruction ou dégradation de bien, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ».  L’essentiel du texte se trouve dans ce tout petit passage : « ayant l’intention de commettre des violences ». Il s’agit de condamner d’un délit d’intention des personnes « présumées dangereuses ». Estrosi le dit lui-même : « le nouvel arsenal permettra d'agir en amont en détectant les intentions », et d’ajouter  « Le texte s'inscrit dans un contexte : celui du développement de la sécurité durable ».

On est en droit de se poser la question de la nature des bénéficiaires de ce nouveau concept de « sécurité durable ». Regardons de plus près.  Un rassemblement « formé de façon temporaire », avec une attitude plus ou moins agressive des participants dans leur « intention », disons protestataire, s’appelle généralement une manifestation.

Hormis la circonstance aggravante de la dissimulation, même partielle, de son visage, le texte prévoit également d’étendre le délit de participation à un attroupement armé aux personnes non armées.  Par arme, il ne faut pas seulement  comprendre les armes blanches ou à feu, mais aussi toutes les armes par intention : barre de fer, bâton, avec ou sans pancarte au bout.  Comme des gens qui se protègent tant bien que mal des gaz avec un foulard et dont certains tiennent des pancartes…

Bien entendu, comme toujours, la libre interprétation de toutes ces « intentions » est laissée à l’appréciation des forces de l’ordre. Il faudra donc, pour « éviter que les conditions dans lesquelles se déroulent les opérations de maintien de l’ordre […] ne fassent l’objet de contestations », les filmer. Bien sûr ici, c’est la police qui filme, et comme elle agit en parfaite transparence, « la diffusion de ces enregistrements fait l’objet d’une nouvelle incrimination, passible d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Mis en parallèle avec la constitution du fichier Edvige 3.0, on assiste à une opération de fichage généralisé de tous ceux qui manifestent.

Le texte d’Estrosi, prenant prétexte d’un fait divers, prétend agir contre les « bandes » en stigmatisant encore un peu plus les jeunes des banlieues, considérés comme responsables de tous les maux. Au-delà de ces visées électoralistes, c’est avant tout la mise en place d’un formidable outil de répression contre le mouvement social qui se met en place avec ce concept de « sécurité durable ». 

Aurélien Smirnoff