Des policiers – certains masqués, armés, en uniforme, parfois avec des véhicules de service, voire sur leur temps de travail, manifestant en toute illégalité et impunité – marchent sur l’Élysée en chantant la Marseillaise et exigent la démission du directeur de la police, du ministre de l’Intérieur et du président de la République...
Tout cela se déroule pendant un état d’urgence permanent depuis novembre 2015. Et que ces policiers appliquent contre toutes nos mobilisations !
Une colère politique
Certes leur colère est immense après l’agression inacceptable et terrible de leurs confrères à Viry-Châtillon (91). Ils revendiquent donc logiquement plus de moyens humains et matériels, reprochant au gouvernement de ne pas les prendre en considération. Ils accusent à nouveau de laxisme la justice qui ne sanctionnerait pas assez durement les délinquants, et surtout ils veulent une nouvelle législation sur la légitime défense des policiers qui leur reconnaîtrait systématiquement la présomption d’innocence. Un permis de tirer les premiers ?
Ce type de mobilisations « hors la loi » de policiers se sont souvent déroulées dans des moments de délégitimation forte des différents gouvernements. À chaque fois, elles les ébranlent davantage et peuvent même être les prémisses de bouleversements si des forces politiques d’opposition les soutiennent. C’était ainsi le cas en 1958, où la manifestation de policiers avait précipité la fin de la ive République, le retour de de Gaulle et la création de la ve République.
Par la suite, les réponses démagogiques des gouvernements aux manifestations policières non seulement les ont fait vaciller un peu plus, mais ont toujours favorisé la poussée de l’extrême droite...
Le FN en soutien (inconditionnel)...
Aujourd’hui encore, s’ils n’étaient sans doute pas dans la rue, tous les cadres du FN ont volontiers twitté leur soutien aux policiers. Car la plupart de leurs revendications sont déjà des promesses électorales du FN : « présomption de légitime défense pour les policiers et gendarmes, tolérance zéro, aggravation de toutes les peines contre les coupables de violences verbales ou physiques contre tout représentant de l’État, durcissement de toute la chaîne pénale, anonymat des plaintes des policiers contre leurs agresseurs »... Et en cas de victoire du FN à la présidentielle est promise la tenue d’un référendum dans lequel les électeurs auront à choisir « entre le rétablissement de la peine de mort ou la réclusion criminelle à perpétuité réelle ».
Tout cela ne manque pas de séduire une partie des policiers : en mai dernier, une enquête du Cevipof révélait que 56 % choisiraient de voter Marine Le Pen. Alors celle-ci ne ménage pas son soutien : « la sécurité n’est plus assurée dans notre pays, cela met en jeu la liberté et même la vie de chacun d’entre nous », et bien entendu, « cette flambée de l’insécurité trouve son origine en grande partie dans la montée continue de l’immigration et de l’échec de l’assimilation ». Elle promet donc aux policiers la satisfaction de toutes leurs revendications et la restauration de l’État et de son autorité.
Avec ses atteintes sérieuses aux droits et libertés et la toute-puissance du ministère de l’Intérieur, l’état d’urgence remet en cause politiquement « l’État de droit ». Son application est la mission de la police qui réclame alors toujours plus de moyens et de liberté d’action. Un engrenage dangereux qui dessine peu à peu l’État policier, les pressions policières actuelles pour durcir encore les lois contre nos droits et libertés étant belles et bien un pas de plus dans cette direction. Stopper cet engrenage tout-sécuritaire, cela commence par mettre fin immédiatement à l’état d’urgence.
Roseline Vachetta