Mardi 3 juillet, Aboubakar Fofana, 22 ans, était tué dans le quartier populaire du Breil à Nantes, lors d’un contrôle de police. La marche blanche initiée à l’appel de la famille, et qui a réunit plus de 1 000 personnes jeudi 5 juillet, n’a pas apaisé les esprits, alors que de multiples zones d’ombres subsistent.
Invoquant d’abord la thèse de la légitime défense, le policier soutient aujourd’hui celle de l’accident, et a été mis en examen avec contrôle judiciaire. Le mensonge du policier et cette nouvelle version pour le moins fragile et qui apparaît aussi peu crédible que la première, expliquent que la colère est loin d’être retombée dans les quartiers populaires nantais et qu’elle ne s’arrêtera pas tant que justice ne sera pas rendue.
De la difficulté d’obtenir justice
L’avis même des experts judiciaires spécialisés en armes a feu, interviewés par le quotidien Ouest-France du lundi 9 juillet, tend à démonter la thèse de l’accident. Dans un article titré « Un tir policier peut-il être accidentel ? », ces experts précisent, entre autres, que « sur un Sig Sauer SP 2022, une arme très fiable, il faut exercer une pression importante de 2 à 4,5 kg ». Une arme par ailleurs symptomatique de la militarisation de la police, puisque classée en première catégorie, c’est-à-dire arme de guerre. Ces propos font écho aux incompréhension des habitantEs, qui se demandent si l’on peut tirer dans le cou d’un jeune homme à bout portant par inadvertance.
Et même si le policier a été mis en examen, rien n’est gagné dans ce long périple qu’est la recherche de la vérité et de la justice. L’affaire Adama Traoré est un cas d’école de ce qu’on fait subir à toutes celles et ceux qui cherchent à établir la vérité, notamment quand il s’agit de dénoncer les violences policières. Une longue série de crimes policiers, de « bavures », de violences policières, restent complètement impunis. De l’affaire Ali Ziri, à celle de Wissam el-Yamni en passant par Lamine Dieng, on ne compte plus les affaires qui se sont terminées, devant les tribunaux français, par des non-lieux, parfois après des années de procédures qui ont ruiné la vie des familles. En réalité, il est presque impossible de faire condamner des policiers.
Une politique permissive de répression
Cet acte n’est en rien est un acte isolé. Il s’inscrit dans une logique systémique qui instaure une politique permissive de répression à l’encontre des populations les plus fragilisées, qu’il s’agisse des migrantEs, des milieux populaires, des populations racisées et, globalement, toutes celles et ceux qui résistent à un système qui les écrase, comme on l’a vu encore récemment sur la Zad de Notre-Dame-des-Landes avec la mutilation de Maxime Peugeot.
Un climat nauséabond aggravé par plus de vingt ans de politiques sécuritaires, de législations d’exception (état d’urgence, loi sur la légitime défense…) de renforcement de l’armement. Une situation aggravée par les dynamiques internes de la police, où la progression de l’extrême droite et son influence se sont renforcées. Celle-ci n’a d’ailleurs pas tardé, par la voix de Marine Le Pen (mais aussi de Laurent Wauquiez), à apporter son soutien inconditionnel, défendant la « présomption de légitime défense » pour les policiers.
Face à cela, il nous faut non seulement exiger la justice et la vérité jusqu’au bout pour Aboubakar et toutes les victimes de violences policières restées impunies, mais également exiger la dissolution de tous les corps spéciaux intervenant et réprimant brutalement dans les quartiers populaires (BAC et Brigades spécialisées de terrain) et le désarmement de la police. Car plus ils seront armés, plus nous aurons de mortEs et de blesséEs.
Sandra Cormier