En moins de 15 jours, l’Église catholique a provisoirement résolu la crise majeure qui la secouait. Empêtrée dans des scandales aussi graves que celui des prêtres pédophiles, la corruption avérée d’importants responsables de la Curie, et la suspicion chaque jour plus précise envers la banque du Vatican qui ne serait qu’un vulgaire paradis fiscal, il lui fallait trouver rapidement une issue crédible aux yeux de millions de fidèles. C’est le sens de la démission de Ratzinger et de la rapide transition aboutissant à l’élection du pape François. Pour cette occasion, nous avons dû une nouvelle fois supporter une incroyable OPA sur l’information de la part des médias, avec leurs flots d’experts en Vatican et autres laudateurs patentés, censés nous faire partager leur ferveur, et leur ébahissement devant « l’énorme surprise » du choix effectué par le conclave d’élire un pape argentin… et jésuite ! Plus ça change, plus c'est la même chose…Ce choix n’a pourtant rien à voir avec une quelconque volonté de « modernisation » de l’institution, encore moins d’une rupture avec la ligne réactionnaire de Ratzinger. Âgé de 76 ans, Jorge Mario Bergolio n’a pas hésité, dans son propre pays, à s’engager dans une bataille contre le gouvernement social-démocrate de Cristina Kirchner sur la question ô combien édifiante de la loi autorisant le mariage homosexuel… comme il l’avait fait également précédemment contre le droit à l’avortement. Il s’agit là d’un positionnement classique de la part de l’Église catholique. Mais c’est son passé complice avec la dictature féroce des militaires qui aujourd’hui le rattrape. Proche de Vidéla, fréquentant les criminels au pouvoir, il n’avait pas hésité à dénoncer deux prêtres connus pour leur engagement auprès des pauvres qui, suite à leur arrestation, furent torturés dans les locaux de la tristement célèbre école militaire ESMA. Nous sommes très très loin d’une quelconque proximité idéologique avec la fraction la plus éclairée du clergé sud-américain, adepte de la théologie de la libération. La nomination exotique de ce nouveau pape vise à parer au plus pressé en dépaysant – comme on dit en jargon judiciaire – les dossiers les plus pressants. Elle entend redorer le blason d’une institution en perte de vitesse en mettant à sa tête un représentant du continent où l’Église catholique compte encore le plus de fidèles. La ligne de cette église ne saurait être autre que l’acceptation des programmes d’ajustement structurels imposés par le FMI, pas le soutien aux révoltes sociales. Alain Pojolat
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