Fin de la « dédiabolisation » ? Le maire RN/FN de Perpignan, fort de la poussée électorale de son parti, a célébré à sa façon, le week-end dernier, le 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie.
Le para tortionnaire Denoix de Saint-Marc et les généraux OAS Zeller et Jouhaux qui, en 1961, ont fomenté un putsch militaire pour maintenir l’Algérie française, ont été nommés « citoyens d’honneur de la ville ». Pierre Sergent, chef des tueurs de l’OAS métropole (avant de devenir député du FN), aura, lui, une place à son nom. Un retour aux sources et... une apologie du colonialisme raciste et du terrorisme réactionnaire !
Pour eux, la guerre d’Algérie n’est pas finie
Louis Aliot a proclamé Perpignan « capitale des Français d’Algérie ». Il n’a jamais caché vouloir faire de Perpignan une vitrine du RN et, au-delà, un tremplin pour le pouvoir central. Aliot, qui, en juillet 2021, avait accueilli le congrès du RN intronisant Le Pen à la présidentielle, offrait l’hospitalité, cette fois-ci, du 24 au 26 juin, au congrès du Cercle algérianiste, une bande réactionnaire de « nostalgéristes », après avoir alloué à l’antenne locale dudit cercle une subvention municipale « de fonctionnement » de 100 000 euros. Ainsi que… 3,7 millions pour réhabiliter le site qui abrite son très révisionniste « Centre national des Français d’Algérie », à la gloire du « bon vieux temps de la colonie » (où l’on s’entendait si bien entre Français et « Arabes » !) – dans une ville qui suinte la pauvreté et le délabrement.
Aliot instrumentalise ici la « nostalgie » d’une frange des Pieds-Noirs, tout comme l’extrême droite d’alors avait instrumentalisé le désespoir des « petits blancs » d’Algérie, et tout comme l’extrême droite d’aujourd’hui instrumentalise le désespoir d’une partie des couches populaires – dont tous les malheurs viendraient de l’« Autre », à la peau pas très blanche et à la religion pas très catholique. Car, loin d’être une histoire passée, cette exaltation de l’Algérie française – selon les fascistes « bradée » (par la droite comme par la gauche) – est une exaltation ultranationaliste et raciste de la France actuelle. Une France qui serait bradée et menacée de déclin par la droite et la gauche, et tout particulièrement par leurs politiques insuffisamment répressives à l’égard des « Arabes » qui, venuEs d’Algérie et d’ailleurs, auraient submergé « nos » quartiers populaires, et aussi des migrantEs qui « nous » menaceraient d’un « grand remplacement ».
Pour les Aliot, Le Pen et autres Zemmour, la guerre d’Algérie n’est pas finie. Mais, en conséquence, elle n’est pas finie pour les descendantEs des coloniséEs qui, même après plusieurs générations, sont victimes des discriminations et violences racistes et policières dans les quartiers au nom de la même idéologie raciste qui sous-tendait les conquêtes coloniales.
« Perpignan capitale de l’amitié entre les peuples algérien et français »
En riposte, le Collectif 66 pour une histoire franco-algérienne non falsifiée, constitué il y a plusieurs années en protestation contre une stèle à la gloire de Degueldre et d’autres tueurs de l’OAS érigée dans un cimetière municipal, a organisé un contre-événement. Samedi 25 juin, un rassemblement autour du mot d’ordre « Perpignan capitale de l’amitié entre les peuples algérien et français ! », avec apposition, sur une place au pied du Castillet (monument symbole de la ville), d’une plaque au nom de Mouloud Feraoun, une des six victimes du massacre de Château-Royal, près d’Alger, perpétré en 1962 par un commando Delta de l’OAS dirigé par Degueldre. Et dimanche 26, une réunion-débat avec Gilles Manceron et des responsables nationaux de l’association des Pieds-Noirs progressistes et de l’association des anciens appelés contre la guerre.
Bien loin d’être une affaire locale, la mobilisation contre l’extrême droite à Perpignan doit s’inscrire dans une mobilisation unitaire d’ampleur nationale.