Publié le Dimanche 7 mars 2010 à 15h25.

Personnes âgées : le marché de la dépendance

De nouvelles attaques sont en préparation, cette fois elles concerneront les personnes âgées dépendantes au profit des organismes privés.Le gouvernement prévoit une attaque en profondeur contre les droits des personnes âgées dépendantes d’ici la fin de l’année. Actuellement, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) dont le but est de payer des heures d’aides à domicile et en établissement est financée par les conseils généraux et les personnes âgées en fonction de leur degré de handicap et de leur revenu1. Le montant moyen restant à la charge des bénéficiaires les plus dépendants, payant le ticket modérateur, était, en juin 2009, de 257 euros pour une APA de 1 009 euros2. Les Établissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad) manquent cruellement de places et de personnels qualifiés et, pour des revenus modestes, leurs tarifs sont prohibitifs.Le projet gouvernemental est d’accentuer la participation financière des usagers, directement ou par le biais d’assurances privées ou encore par la reprise sur héritage à la mort du bénéficiaire, et de développer le marché concurrentiel privé des établissements et services. Avec plus de 2 millions de contrats d’assurances dépendance, la France est le deuxième marché derrière les États-Unis3. Mais les critères sont définis par les assureurs, donc en fonction de la rentabilité attendue du contrat. Seuls les cas les plus lourds et les moins solvables resteraient à la « solidarité nationale ». En matière d’hébergement, Orpea, un groupe à dimension européenne coté en Bourse, en pointe avec Korian, une société d’établissements de soins, prévoit d’ouvrir 8 500 nouveaux lits dans les quatre ou cinq ans à venir. Selon un rapport patronal4, la situation « offre de nombreuses opportunités : tirer profit de la distorsion entre l’offre et la demande, présenter une gamme complète de structures d’accueil en développant les services de maintien à domicile afin de générer des recettes supplémentaires, croissance externe en profitant de la fragilité financière des petites structures ». Pour celles-ci, les conseils généraux ne veulent plus payer les déficits, « leur productivité étant insuffisante ». Orpea a augmenté son chiffre d’affaires de 31,3 % en 2007, 29 % en 2008 et prévoyait, pour 2009, un bond en avant. Le groupe Malakoff Médéric Assurances vient de prendre une participation de 10 % dans le capital social de Korian. On peut imaginer des contrats entre les assurances et « leur » entreprise d’hébergement. La boucle est bouclée, au détriment des personnes âgées dépendantes. Contre cette politique, le NPA propose un grand service public prenant en compte aussi bien le maintien à domicile lorsqu’il est compatible avec l’état de santé, que des foyers ou des Ehpad, en éliminant entièrement le secteur privé. Les aides seraient réalisées et coordonnées en fonction des besoins par un service public municipal. D’autres services, qui existent déjà dans certaines municipalités, devraient être généralisés : portage des repas, transports adaptés, télé-alarme gratuite… Ce secteur public prendrait en charge le recrutement des personnels avec une bonne qualification initiale et continue, bénéficiant de conditions de travail décentes, à commencer par des CDI à temps plein, prenant en compte les temps de déplacement pour les personnels intervenant à domicile, les dépenses d’investissement et de fonctionnement. Un plan d’urgence de construction de nouveaux établissements serait lancé. Les aides doivent être prise en charge par la Sécurité sociale étendue, financée par les cotisations sociales payées par les seules entreprises et non par l’impôt national ou local. La Sécu, c’est une avancée vers le salaire socialisé qu’il faut défendre et étendre. On n’imagine pas que les familles ou les individus paient pour le traitement d’un cancer selon leur revenu. Pourquoi le feraient-ils pour la dépendance ? Nos mamies et nos papys valent mieux que leurs profits.

Daniel Desmé1. 686 000 bénéficiaires à domicile en juin 2009 et 431 000 en établissements.2. DRESS Études et résultats n° 7103. Les Échos, 8/12/09 4. Document à destination des entreprises du secteur, 2005.5. Le Monde 11/2/2010.