Publié le Mercredi 6 février 2019 à 10h33.

Répression : « Le grand débat avec un LBD sur la tempe »

Tel était le texte, significatif, figurant sur la pancarte d’un manifestant Gilet jaune à Bordeaux. Cette semaine, un observateur clairement identifié de l’Observatoire des pratiques policières de la LDH de Toulouse a été touché par un tir au front. Louis Boyard, président du syndicat lycéen UNL, blessé sans doute par un tir de LBD au pied, va quant à lui porter plainte contre Castaner. Alors que personne n’est dupe du « grand débat », la répression se poursuit contre la colère qui s’exprime, sans faiblir, dans la rue.

L’Acte xii était sous le signe de la défense des « gueules cassées » ; des rassemblements ont eu lieu un peu partout ; de nombreux manifestantEs ont arboré des blessures à l’œil en solidarité avec les innombrables blesséEs et mutiléEs, recensés ou non.

À Bordeaux, un jeune pacifiste écolo a perdu sa main en décembre. En janvier, c’est un jeune pompier qui a été mis dans le coma par un tir de flashball lancé dans son dos à moins de 10 mètres alors qu’il repartait seul chez lui dans une petite rue adjacente à la place où les CRS chargeaient. Le soir même, une veillée a été organisée au rond-point de l’hôpital qui est devenu un rond-point urbain. Tous deux ont rejoint, comme d’autres blessés, le Collectif contre les répressions policières qui leur vient en aide, avec le soutien de syndicalistes et d’avocats du Syndicat des avocats de France. 

Le gouvernement répond : répression !

La seule réponse à la colère de la rue est le mépris et la provocation (voir les propos de Macron sur « le Gitan Dettinger ») et le vote de la loi « anticasseurs » au Parlement qui instaure un « délit de dissimulation de visage », le principe du « casseur-payeur » et surtout la possibilité pour les préfets et non les juges de prononcer de manière préventive des interdictions de manifester, de créer des périmètres de sécurité autour de manifestations (contrôle visuel, ouverture des sacs et palpations de sécurité) et d’interdire arbitrairement à toute personne « susceptible de se livrer à des violences » de participer à une manifestation !

Quant au Conseil d’État, il a considéré que les lanceurs de balles de défense (LBD) ne sont pas des armes dangereuses envers et contre touTEs les blesséEs et mutiléEs, alors que bien des pays les interdisent depuis longtemps.

Forces en désordre ?

La colère naît même chez les policiers. Ainsi, l’association CAP, regroupant surtout des policiers non syndiqués en Île-de-France, dénonce les décisions de la hiérarchie, du gouvernement et du ministère de l’Intérieur, ainsi que le silence des « syndicats de police majoritaires qui ne pipent mot ». Si elle évoque des « dérapages » dans la répression, elle rappelle que ces comportements obéissent à des ordres : « Nous, on écoute les collègues et on sent bien que quand les patrons nous disent : "Nettoyez tout ça !", certains se sentent pousser des ailes… Et ils y vont. La hiérarchie ne peut pas plaider l’innocence à cet égard, parce qu’ils entendent les conférences radio en direct dans les manifestations. Pour les préfets et les ministres, c’est pareil ». Pour conclure : « Les collègues qui font n’importe quoi, il faudra qu’ils assument, mais ce ne sont pas forcément ceux qui auront le plus mal agi qui seront les plus sanctionnés. »

« Bande d’hommes armés »

La définition de l’État d’Engels, reprise par Lénine, est bien illustrée par l’action de ces corps en uniforme armés, dressés contre la population qui conteste, pour intimider en ­provoquant de la colère en retour.

Tous les politiciens, partisans de droite ou de gauche de la « République » l’approuvent, comme Ségolène Royal à propos des jeunes de Mantes-la-Jolie (citée par le journal Jaune distribué à Bordeaux lors de l’Acte xii) : « Ça ne leur fait pas de mal à ces jeunes, de savoir ce qu’est le maintien de l’ordre, la police, de se tenir tranquilles. Ça leur fera un souvenir. Et c’est pas mal pour leur redonner le sens de la réalité ».

Des milliers de jeunes et moins jeunes font sur les ronds-points et chaque samedi l’expérience de ce qu’est la « réalité » de l’État au service des riches en restant debout, en reconstruisant collectivement ce qui est détruit, en venant aux manifestations pour tenir la rue le plus longtemps possible. Des illusions, des préjugés sur une police au service de la population tombent, et la conscience des intérêts irréconciliables entre, d’un côté, ceux qui luttent et, de l’autre le gouvernement, le Medef et les « forces de leur ordre » avance pas à pas.

Monica Casanova