Le mardi 13 mars s’est ouvert à Paris le procès du « groupe de Tarnac », près de 10 ans après la spectaculaire – et très médiatique – intervention de 150 policiers dans ce petit village de Corrèze, qui s’était soldée par la mise en garde à vue de neuf personnes et leur mise en examen pour « association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme ». Pour la ministre de l’Intérieur de l’époque, Michèle Alliot-Marie, il s’agissait de lutter contre les « risques de résurgence violente de l’extrême gauche radicale ». Rien que ça.
Dix ans plus tard, l’affaire du « groupe de Tarnac » ressemble avant tout à un scandale d’État. Témoins manipulés, preuves fabriquées, mensonges policiers : le « dossier » s’est peu à peu dégonflé, la qualification terroriste a été définitivement abandonnée en 2017, et les accuséEs sont aujourd’hui poursuivis pour des motifs qui n’ont plus rien à voir avec ce qui leur était initialement reproché. Comme l’explique Julien Coupat, « il fallait que cette procédure qui avait commencé en fanfare finisse par un procès, ça ne pouvait pas donner un non-lieu. »
À bien des égards, cette affaire, qui a cristallisé les obsessions sécuritaires et répressives du gouvernement Sarkozy et de l’institution policière, a été le signe annonciateur de bien des dérives de la prétendue « lutte contre le terrorisme ». Et lorsque Marie Dosé, avocate d’Yldune Lévy, déclare que « l’affaire Tarnac, c’est l’histoire d’une instrumentalisation du judiciaire par le politique », on ne peut qu’être d’accord avec elle… et inquiet.
Rappelons en effet que toutes ces manipulations se sont déroulées avant l’adoption de la batterie de dispositifs « antiterroristes » qui ont été mis en place notamment après les attentats de 2015, et avant l’inscription de l’état d’urgence dans le droit commun par le gouvernement Macron-Philippe. Des décisions qui ont été autant de reculs pour les droits démocratiques, autant d’atteintes à l’indépendance du pouvoir judiciaire, autant de consolidation du pouvoir policier et de la toute-puissance de l’État.
Le « procès Tarnac » doit être ainsi l’occasion de faire le procès des mensonges et des manipulations de l’État policier, passées et présentes. Car ce ne sont pas les « huit de Tarnac » qui devraient être sur le banc des accusés, mais tous ceux qui, à l’époque comme aujourd’hui, instrumentalisent les questions de « sécurité », quitte à mentir et à manipuler, pour réduire toujours un peu plus les libertés démocratiques, qu’elles soient individuelles ou collectives.
Julien Salingue