Publié le Dimanche 8 janvier 2017 à 09h40.

Un tableau tronqué mais déjà effrayant de la surveillance en France

Le mois dernier la Commission Nationale des techniques du renseignement (abrégé CNCTR) a remis son tout premier rapport concernant l’activité de surveillance en France. Une première chose est remarquable : les chiffres, principalement le nombre des personnes surveillées nominalement qui s’élève officiellement à 20 282 sur l’année passée. Un chiffre partiel et quelque peu inexact car il est le recensement de techniques particulières, non de toutes. En sont exclues par exemple tout ce qui relève de flux ou de communication sur le plan international (internet notamment puisque des sites français ou en français peuvent être hébergés sur des serveurs étrangers) - qui bénéficient en prime d’un traitement automatisé - ou encore de demande d’informations différées jugées « peu intrusives ». Si depuis 2001 le recul général des libertés dans les pays occidentaux et l’accroissement des appareils répressifs s’est fait sous prétexte de terrorisme, parmi ces 20282, moins de la moitié sont suivis par prévention de cette activité et près de 6000 le sont sur le terrain de la criminalité organisée ou des violences collectives.

Il faut aussi comprendre que ce nombre ne représente pas des personnes constamment surveillées, mais des personnes qui ont fait l’objet d’au moins une requête sur l’année passée sans se pérenniser. De même, le rapport ne traite que des données centralisées et non de tout ce qui peut être récupéré par les forces de l’ordre et stocké « localement » (exemple : les IMSI Catcher identifiant l’activité des smartphones sur une zone limitées). En outre l’année qui vient va certainement rendre son sens obsolète via l’utilisation de « boites noires » placées sur le réseau, des dispositifs intelligents qui veilleront à détecter et remonter automatiquement les flux, connexions et données susceptibles d’intéresser l’Etat policier.

Par précaution et anticipation de quelque interprétation incorrecte, les rapporteurs précisent bien dès le début qu’il n’est pas question de « pénétration d’un milieu syndical ou politique ou la limitation du droit constitutionnel de manifester ses opinions, y compris extrêmes exception faite pour les atteintes graves à la paix publique ». Un sursis partial mais une brèche bien ouverte dont on peut redouter son élargissement ; Cédric Herrou en a fait l’amère expérience dans son procès pour l’assistance qu’il a fournis à des réfugiéEs. Ce n’est en effet pas l’acte humanitaire qui était en cause, mais le fait que l’agriculteur ait agit en concordance avec ses convictions politiques.

Cependant, loin d’arrêter les réformes et de se cantonner à une gestion des affaires courantes à l’approche des présidentielles, le gouvernement prévoit une dernière loi sécuritaire pour clore son quinquennat. Une loi relative à la sécurité publique dont nous n’avons pas encore le contenu. Et dans un contexte de défaites sociales d’affaiblissement de conscience de classe, le prochain gouvernement installera certainement sa propre vision de la sécurité pour renvoyer le PS les accusations de « faiblesse et de laxisme ». Bref de nouveaux reculs des libertés à prévoir surtout pour celles et ceux… qui se mobilisent à leur défense.

Frédérick Lorie