Isaac Johsua s’est éteint ce 26 décembre. Isaac, que l’on surnommait Isy, ne s’est jamais départi ni de de son humour ni de son attachement au marxisme, profond mais sans fétichisme. Il avait la conviction que la survie d’un capitalisme en crise débouchait inévitablement sur des catastrophes.
Isy était né à Alexandrie, à l’époque encore une ville cosmopolite où coexistaient de façon plus ou moins harmonieuse Égyptiens musulmans ou coptes, Juifs et Grecs. Il aimait évoquer les échanges de pâtisseries au moment des fêtes religieuses des unEs et des autres. Sa famille avait été expulsée d’Égypte en 1956 après la nationalisation du canal de Suez et l’agression franco-britannique contre l’Égypte.
Étudiant en France, il adhère alors à l’Union des étudiants communistes, puis au PCF. Cuba semblait encore s’orienter vers un modèle socialiste différent de celui de l’URSS. Il y travailla donc comme économiste et enseignant de 1964 à 1967.
De retour à Paris, Isaac Johsua rompt avec le PCF et devient un des responsables de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR). Il participe donc très activement au mouvement de mai-juin 1968. Comme d’autres dirigeants de la JCR, il passa quelque temps en prison pour « reconstitution de ligue dissoute »...
Libéré, il reprend son activité militante à la Ligue communiste qui venait de se créer. Il anime la minorité qui s’oppose à une adhésion à la IVe Internationale, mais marque aussi son opposition à certains points du crédo trotskiste de l’époque, notamment sur la nature de l’URSS (« État ouvrier dégénéré »). La rupture avec la Ligue communiste intervient en 1971, et Isy se lance dans la construction de l’organisation communiste Révolution !, qui se développe d’abord rapidement avant d’être emportée par la fin de la période ouverte par 68.
Avec d’autres militantEs, Isaac Johsua décide de rejoindre la Ligue communiste révolutionnaire. Il la quittera à la suite des débats qui ont suivi l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan, intervention justifiée dans un premier temps par la IVe Internationale.
Il poursuit ensuite une carrière universitaire sans jamais se désintéresser de l’activité militante, même s’il ne sera plus membre d’aucune organisation politique. Il participera par ailleurs au conseil scientifique d’ATTAC et à la Fondation Copernic (dont il produira la toute première note).
Son premier ouvrage se situe dans le prolongement de sa thèse (La Face cachée du Moyen Âge. Les premiers pas du capital). C’est un texte fondamental où il montre comment au sein des pores de la société féodale se développe les prémisses du capitalisme. Isy se consacre ensuite à l’étude des crises du capitalisme, et publie plusieurs articles et livres sur ce thème. Il fut un des premiers à percevoir l’importance de la crise des subprimes : dès l’été 2007, lors d’un exposé à l’université d’été de la LCR, il insistait déjà sur sa gravité et ses répercussions possibles sur l’ensemble du système financier. En 2012, dans La révolution selon Karl Marx, il s’interrogeait sur les failles pouvant exister dans la théorie des fondateurs du marxisme et sur leur conséquences dans les échecs des expériences révolutionnaires. Ces dernières années, bien qu’affaibli, il continuait néanmoins à suivre l’actualité et à écrire des textes sur les Gilets jaunes, sur Trump, etc.
Bien que malade depuis des années, Isy se tenait avec sa femme Anne-Marie le 21 mars dernier sur le trottoir d’une avenue menant au cimetière du Père-Lachaise, où passait le cortège funèbre d’Alain Krivine.
Isaac Johsua était un intellectuel brillant et un militant de grande valeur. Nous sommes collectivement attristés de cette disparition et avons une pensée pour ses proches, sa femme Anne-Marie, sa fille Florence, et son frère Samuel (dit Samy). Le NPA leur présente ses condoléances et sera présent à l’hommage organisé le lundi 9 janvier au Père-Lachaise.