L’Anticapitaliste ouvre ses colonnes à trois positions qui se sont exprimées lors de différents échanges dans les instances du NPA. Le débat continue.La solidarité concrète avec les peuples, indissociable de l’anti-impérialismeIl y a onze ans, les USA avec une coalition impérialiste envahissaient l’Irak, soi-disant pour défendre la démocratie et la paix, avec des résultats catastrophiques qui ne cessent de se déployer. Il y a près de quatre ans, les peuples se soulevaient contre les régimes dictatoriaux de la région arabe pour exiger la liberté, la justice sociale et la souveraineté. Face à plusieurs contre-révolutions à la fois, ils n’ont trouvé que très peu d’appui dans le monde.Ainsi le peuple syrien, massacré par un régime d’Assad soutenu par l’Iran et la Russie, a été abandonné, seuls les émirs islamistes du Golfe se disposant pour dévoyer cette révolution. Aujourd’hui l’État islamique-Daesh concentre les monstruosités que provoque cette politique des grandes puissances au Moyen-Orient... qui du coup se relancent dans la guerre !Et le mouvement ouvrier et démocratique mondial apparaît dramatiquement désorienté. Il y a ceux qui soutiennent la politique d’intervention militaire des États occidentaux au nom de la lutte contre la « barbarie » (mais quid de la barbarie des impérialistes ?), et ceux qui en ce même nom soutiennent la position russe et stigmatisent les révoltés syriens. Il y a ceux qui poussent une lecture confessionnelle et culturelle (sunnites contre chiites, Arabes contre Kurdes…), ceux qui changent au gré de l’actualité… et les plus nombreux, qui ne voient pas ce que l’on peut faire de l’extérieur !
Les principes du NPALe NPA a pour principes inséparables la lutte contre l’impérialisme qui détruit l’humanité, et la solidarité avec les peuples victimes de toutes les oppressions, contre leur division. C’est pour cela que nous dénonçons le gouvernement français qui défend des intérêts qui ne sont pas les nôtres, et que nous tentons en même temps de nous lier aux révolutionnaires syriens en France, aux partis kurdes portant la revendication du droit à l’autodétermination, et que nous travaillons à des comités de solidarité unitaires.Au-delà des faiblesses ou contradictions qu’on peut leur voir, nous devons soutenir pleinement ces forces héroïques dans leur combat, que nous espérons de plus en plus commun, contre l’obscurantisme, les massacres et l’écrasement de toute société civile : à Kobané mais aussi à Alep, régions actuelles de concentration des attaques de Daesh ou du régime syrien – ou ailleurs.Nous ne sommes pas une organisation de commentaires et nous voulons faire avancer leurs revendications immédiates, comme la reconnaissance officielle de ces forces, l’aide humanitaire massive des régions en guerre, l’aide militaire et l’aide et l’accueil des réfugiés. Notre critère est la défense des vies et des sociétés humaines et la solidarité avec elles.
L’armement des combattants de la libertéPour nous, il n’y a pas de raison de faire d’exception pour la demande d’armement, en quantité et en qualité, pour desserrer l’étau des contre-révolutionnaires. Comme pour toute exigence à un pouvoir bourgeois, nous savons que seule la mobilisation d’en bas, et des contradictions en haut, peuvent la faire aboutir. Mais elle n’est pas par nature si différente des autres !Parce que nous sommes pour l’autodétermination et l’émancipation des peuples, nous rejetons l’intervention de troupes occidentales, et en particulier des troupes françaises. Mais parce que nous sommes solidaires des peuples, nous sommes inconditionnellement pour qu’ils aient tous les moyens, humanitaires et militaires, de vivre, survivre, et de combattre leurs oppresseurs.Ce n’est que sur ces bases que nous pourrons faire avancer, avec nos camarades marxistes révolutionnaires au Moyen-Orient, la lutte pour l’organisation indépendante des travailleurs et exploités, et leur émancipation face à toutes les politiques capitalistes, colonialistes, et aux guerres.
Christian Varin et François Sabado
Contre la guerre, solidarité de classe, internationalisteQuelle politique face à l’intervention en Irak de la coalition internationale mise en place par les USA et dans laquelle la France entend jouer les premiers rôles, au prétexte de lutter contre des forces réactionnaires, intégristes, qu’elles ont elles-mêmes enfantées, l’État islamique, Daesh ? Ce débat s’inscrit dans un contexte d’exacerbation des tensions internationales, qui s’est manifesté en particulier en Ukraine ou Afrique. Un contexte marqué aussi par la barbare agression contre le peuple palestinien perpétré par l’État d’Israël qui profite des difficultés de ses protecteurs pour leur imposer sa politique de guerre sans fin.
Notre première tâche est bien sûr de dénoncer l’hypocrisie, les manœuvres, l’intervention militaire des grandes puissances, tout particulièrement de notre propre impérialisme, leur politique qui vise à soumettre les peuples à leurs intérêts, à ceux des multinationales.Ce sont bien les USA et leurs alliés qui ont mis l’Irak à feu et à sang, mis au pouvoir des fantoches qui se sont effondrés comme l’armée qu’ils avaient remise sur pied. La nouvelle intervention militaire impérialiste aura les mêmes effets, aggravés, que les précédentes.Se pose alors la question de la façon dont nous exprimons notre solidarité avec les peuples victimes de l’impérialisme, mais aussi des monstres réactionnaires et intégristes que la politique des puissances impérialistes a engendrés et qui se retournent contre elles, tout en s’imposant par la violence contre les populations.
Notre solidarité va aux peuples et à toutes les forces qui se battent contre les intégristes pour leurs droits démocratiques.Cette solidarité ne signifie en rien nous adresser au gouvernement français ou à ce que certains appellent « la communauté internationale », c’est-à-dire les puissances qui dominent le monde et leurs alliés ! Il serait aveugle de reprendre à notre compte les arguments « humanitaires » des dirigeants impérialistes pour leur demander de faire une politique de solidarité avec les peuples qu’ils veulent soumettre. Mais nous soutenons les exigences démocratiques de ceux qui se battent à Kobané, Rojava ou en Syrie, leur demande en matériel, secours humanitaires, en armes, ou pour l’accueil des réfugiés qui fuient les massacres. Cette solidarité se situe sur le terrain de l’indépendance et de la solidarité de classe. Elle est une dénonciation de la politique de l’impérialisme qui peut, un moment, en fonction de ses intérêts, aider les combattants de Kobané, pour les utiliser sans reconnaître un instant les droits du peuple kurde qu’il a bafoués, tout en étant complice de la Turquie, ou en cherchant à consolider ce qui restera de l’État syrien après que Assad aura été éliminé...Notre solidarité, c’est d’être des combattants pour en finir avec notre impérialisme, un de ceux qui ont taillé dans la chair des peuples après la Première puis la Deuxième Guerre mondiale pour organiser leur domination, en finir avec la domination libérale et impérialiste qui aujourd’hui instaure progressivement un État de guerre permanent dans le monde. Il faut être concret nous dit-on, mais il n’y a rien de plus concret que de construire, contre l’opinion bourgeoise, une conscience de classe internationaliste pour tracer la seule issue à la barbarie libérale et impérialiste, la solidarité et la lutte des travailleurs et des peuples.
Yvan Lemaitre
Dénoncer la responsabilité des impérialistes et soutenir inconditionnellement la lutte des opprimés, sans nous aligner sur leurs directionsLa lutte du Rojava suscite des espoirs légitimes pour les opprimés et les exploités du Moyen-Orient. Par leur résistance acharnée contre Daesh, malgré les obstacles placés par la Turquie, par la place que prennent les femmes dans la lutte armée, les Kurdes de Kobané ont gagné la sympathie d’une large partie de l’opinion publique internationale. Cela ne peut que nous réjouir. Mais le soutien au peuple kurde ne peut d’aucune manière brouiller les lignes concernant l’impérialisme
Impérialistes dehors !Il est de la responsabilité des révolutionnaires et des internationalistes de dénoncer d’abord la responsabilité profonde de l’impérialisme dans l’existence de Daesh ainsi que les manœuvres de la Turquie qui aurait aimé laisser les milices islamistes massacrer Kobané. Il est de notre responsabilité de dénoncer la complicité française, notamment avec sa proposition de « zone-tampon ». Il est de notre responsabilité d’exiger qu’aucun obstacle ne soit mis à l’acheminement d’armes pour la résistance kurde. Cela suppose le retrait du PKK et du PYD de la liste des organisations terroristes.C’est une tout autre politique que de relayer l’idée que le rôle des impérialistes serait de livrer des armes à Kobané. S’ils le faisaient, nous ne nous y opposerions pas, mais nous resterions conscients que ce serait pour tenter de mieux contrôler la situation. Porter de telles revendications, c’est légitimer l’intervention comme la « moins pire des solutions » face à Daesh.Cette politique a conduit, il y a trois semaines, les camarades de l’Alliance rouge-verte du Danemark à approuver au Parlement l’envoi d’avions d’armes pour les Kurdes avant que le gouvernement danois ne finisse par décider de participer aux bombardements. Elle vient de conduire les camarades du NPA 31 à publier un communiqué pour le moins problématique car on y lit « Une fois n’est pas coutume, le NPA salue l’efficacité des frappes de l’US Air Force »...
Le soutien, pas l’alignementSoutenir le droit à l’auto-détermination du peuple kurde ne signifie pas faire nôtre la politique de ses directions. Aucune ne porte un projet démocratique et émancipateur : surtout pas le Conseil national kurde, regroupement nationaliste bourgeois, inféodé à Barzani, président du Kurdistan irakien, allié de Washington et de Téhéran, mais pas non plus le PYD, frère jumeau du PKK. Ce parti stalinien aux méthodes plus que musclées contre ses opposants, n’a pas hésité à passer un accord de non-agression avec Bachar el-Assad afin de garder le contrôle du Rojava. Aujourd’hui, il demande l’amplification des bombardements impérialistes et a délégué l’un de ses commandants au QG opérationnel de l’US Air Force !
Défendre les intérêts de tous les opprimésUn peuple lutte face aux milices criminelles et ultra-réactionnaires de Daesh. L’impérialisme étatsunien tâtonne entre les exigences inassumables de son allié turc et la nécessité de repousser l’« État islamique » et son action peut effectivement coïncider avec la résistance populaire. Mais, quoi qu’en pensent les dirigeants nationalistes kurdes, l’émancipation des peuples ne viendra pas de leur alliance, fût-elle ponctuelle, avec les oppresseurs impérialistes et réactionnaires de la coalition (USA, UE, Ligue arabe, Iran...). Elle viendra de l’auto-organisation et de la solidarité des peuples en lutte contre leurs impérialismes. Cette politique va à contre-courant de la pression de l’actualité et nous oblige à penser sur le long terme comment organiser la résistance contre toutes les manœuvres impérialistes, à commencer dans notre propre pays.
Daniela Cobet (CPN-93), Marie-Hélène Duverger (CPN-76), Guillaume Loïc (CPN-75), Jean-Baptiste Pelé (CPN-92N), Gaël Quirante (CPN-92N), Laura Varlet (CPN-93)