Publié le Dimanche 12 mai 2013 à 08h35.

Plateforme W : Un pari raisonné : toutes et tous, se réapproprier le NPA !

Ce deuxième congrès du NPA nous laisse des impressions mêlées, espoir que les choses sont en train de changer, amertume devant les conservatismes toujours à l’œuvre. Même si nous savions que les choses ne se jouaient pas seulement « au sommet », nous étions arrivé.e.s au congrès avec une urgence à faire entendre. Celle d’une refondation radicale de l’outil-NPA, qui donne enfin vie à son projet fondateur – et avec lui, à de nouvelles façons de faire, de militer, de penser la politique. Elle ne nous semble pas toujours avoir été entendue, et à la fin de ce congrès, des camarades qui s’étaient retrouvé.e.s sur ces perspectives continuent de quitter le navire.

Un bilan de ce congrès est d’ailleurs la baisse, maintenant chiffrée, du nombre de militant.e.s, parmi lesquel.le.s on compte encore moins de votant.e.s : plus de 800 militant.e.s n’ont pas pris la peine de voter, ne se sentant probablement pas concerné.e.s, ni assez impliqué.e.s dans les débats. D’ailleurs, beaucoup de celles et ceux qui se sont prêté.e.s au jeu l’ont fait sans enthousiasme et, si une courte majorité a pu se dégager, on peut plus y voir un vote utile pour dépasser deux ans de blocage du parti qu’une volonté d’affirmer une orientation politique pleinement satisfaisante.

 

Le fonctionnement, encore et toujours une question politique

C’est là que les avancées sont sans doute les plus notables. Certes le fonctionnement ne se résume pas à la question des statuts et il y a mille limites aux amendements votés. Certes, il reste beaucoup à faire et à pérenniser dans la pratique. Mais même ces petits changements n’étaient pas gagnés ! D’après nous, le processus de réflexion lui-même a montré que l’on pouvait avancer hors des habitudes hiérarchisées, et faire progresser collectivement le parti. L’idée que le fonctionnement est politique semble avoir fait son chemin. Du congrès ressortent ainsi plusieurs avancées concrètes, qui, mises bout-à-bout, sont, on l’espère, plus qu’un simple « toilettage » des statuts : 

- CPN réduit, rôle accru des AG locales dans son élection ;

- Liens entre comité et CPN renforcés, réunion nationale des comités ;

- Suppléance, rotation ;

- Dissolution des plateformes après le congrès.

Il faut le souligner, la rotation des mandats s’est révélée la bataille la plus difficile, vu les tactiques de blocage de la tribune, lesquelles ont fini par entraîner une expression de ras-le-bol de la salle, démontrant à quel point le fonctionnement peut soulever de réels enjeux. Pour nous, il est clair que quatre mandats successifs, c’est trop. Il est clair aussi que la rotation n’est pas à elle seule une garantie de véritable renouvellement. Il n’empêche, cela entraînera sans doute à terme des habitudes nouvelles.

 

« Moins bien que demain… »

Notre délégation W, plurielle, hétérogène et hétérodoxe, a essayé de défendre avec honnêteté les votes des AG locales. Pas facile, dans un congrès comme celui-là ! Comme les précédents, il a eu ses raideurs, ses plantages, ses règles du jeu difficiles à comprendre, ses manœuvres, ses pressions de couloirs… Minoritaires, nous avons dû nous plier à des règles qui nous paraissaient néfastes : le rythme est à peine tenable, tout se décide dans l’urgence, entre deux portes et deux sandwiches. Pas vraiment de place pour les discussions sereines, l’élaboration en commun et les échanges politiques fructueux.

Ce qui a émergé, c’est tout de même un sentiment, cette fois, de n’avoir pas seulement subi, mais d’avoir aussi agi, et interagi.

Il faut le dire, nous nous sommes heurté.e.s à des problèmes de démocratie encore lourds : réunions et commissions parallèles au congrès, dans des salles à part, au même moment que les débats. De cette manière de fonctionner, il ressort pour nous l’impression que les véritables enjeux du congrès se jouent « en coulisse », dans des réunions en petits effectifs où se discutent notamment les textes – les plénières n’étant en vérité qu’un théâtre, et les débats une cérémonie préparée entre tendances au prorata de leurs voix.

Cette absence de réel débat n’a rien d’étonnant : dès l’ouverture du processus, il manquait la volonté d’aboutir à des textes communs. Ce n’est sûrement pas dans les trois derniers jours, avec des délégué.e.s souvent aligné.e.s sur des plateformes-tendances, qu’un débat sérieux pouvait s’engager. Des questions cruciales pour le parti ont pu être instrumentalisées par des modes de fonctionnement surannés, à la tribune comme « en coulisse ». Pour exemple, le texte « Construire ensemble… » initié par des camarades X et Y, démarche transversale selon nous pleine de possibilités, écrasée par la discipline de vote.

Et le constat est là : ni bilan, ni projet, ni déclaration, ni même orientation; aucun texte commun n’est sorti du congrès. L’échec des tendances à rassembler signe leur incapacité à unifier le parti, à dessiner une orientation qui renforce les convergences et laisse en débat ce qui fait clivage. 

Nous avons essayé tant que nous l’avons pu de proposer une démarche collective et transversale aux autres plateformes, afin d’aboutir à un texte commun. Devant les blocages sur la rédaction d’un appel, nous avons pensé qu’il serait constructif de proposer que tout le parti puisse au moins se rassembler sur des tâches et des priorités de luttes concrètes, et sur la réaffirmation de ce qui nous relie encore les un.e.s aux autres, au-delà des clivages et des logiques identitaires.

Le texte qui a finalement abouti, « Perspec­tives de construction » est certes limité. Il se veut, sinon une feuille de route, au moins la boussole commune que le parti a accepté de se donner à l’issue de ce congrès. Il appartient à tout le parti, et tou.te.s ses militant.e.s peuvent se l’approprier pour avancer en commun : identifier et appuyer les luttes cruciales de la période, favoriser leur intersectionnalité ; préparer la réunion nationale des comités afin d’en faire un moment clé de l’année pour tout notre parti. Nous avons aussi voté (à une courte majorité…) de questionner notre participation systématique aux élections, et là-dessus nous allons insister : le débat sur cette question doit avoir lieu. Il faut cesser de dépenser toute notre énergie, notre intelligence et notre savoir-faire sur la question de notre positionnement par rapport au Front de gauche.

 

Expérimenter maintenant l’après congrès

Il n’y a aujourd’hui plus de « plateforme W ». Dans l’immédiat, la liste mail « plateformeovni » qui avait servi à son élaboration commune, va continuer ses explorations, en prenant tout le temps nécessaire. C’est un laboratoire et un espace ouvert à tou.te.s les militant.e.s qui veulent s’emparer de la (re)construction du NPA, pour qu’il naisse enfin, et surprenne. Il est important pour nous de conserver ce réseau, tout en construisant d’autres espaces d’expérimentation dans le parti, ouverts à toutes les sensibilités.

Les élu.e.s au CPN de cette plateforme qui n’existe déjà plus se trouvent dans une situation inédite. Libres de leurs autres choix politiques, ils portent une démarche transversale qui se veut émancipatrice. Une autre page s’ouvre, dans laquelle nous aurons besoin des un.e.s et des autres pour éviter nos pièges internes et externes, et mettre en place des outils collaboratifs :

- de construction du NPA (commission, réunions des comités, formations, articles),

- d’échanges de pratiques (accueil des militants, communication non-violente, alter-animation...),

- d’élaboration du projet de société que nous voulons (un wikUtopia ?)

La reconstruction du parti, les débats sur le « projet » et l’ « identité » du NPA sont encore devant nous, nous devons les mener. Pour cela il faut d’abord essayer de faire en commun un parti pluriel, qui, dans l’action, les luttes et leur convergence, crée du politique. Essayer de ne pas se laisser diviser par des formulations et trouver des solutions ensemble. Pour que notre parti retrouve enfin sa place dans le militantisme à la base, dans le mouvement, et se mette à élaborer politiquement par en bas.

Nous ne tirons pas notre orientation politique du marc de café. Autrement dit, nos hypothèses ne se testent qu’en relation au mouvement des masses, ses articulations, ses entremêlements où coïncident pragmatisme expérimental et exploration utopique. C’est en ce sens que nous entendons privilégier l’auto-émancipation et l’auto-organisation, promouvoir des pratiques militantes renouvelées, vectrices d’un militantisme joyeux, non sacrificiel, erratique, invitant ; réfléchir au tirage au sort comme expérience démocratique ; accorder toute leur place aux individualités dans le souci d’une autre logique partidaire, à la fois plus émancipatrice et collective.

Nous ne gardons pas tou.te.s les mêmes impressions de ce congrès. Certains ont été heurté.e.s par les pratiques, le mépris, ou le « parisianisme » à l’œuvre, d’autres au contraire remotivé.e.s par les rencontres et les discussions qui ont quand même pu émerger, et à l’envie manifeste d’une partie des camarades de « faire autrement  ». Pour certain.e.s, nous avons su éviter le pire, pour d’autres, ce mieux est loin d’être suffisant. Pour tou.te.s, il est nécessaire d’aller de l’avant, de dépasser ce congrès, et de nous mettre en mouvement pour reconstruire le NPA par en bas. 

 

Des militant.e.s et délégué.e.s ayant défendu la plate-forme W lors du dernier congrès.