Publié le Vendredi 18 novembre 2011 à 22h22.

Salut Aguirre !

Le comité de rédaction de Tout est à nous ! La Revue fait sien l’hommage rendu à Aguirre par des centaines de militantEs et de personnalités, en France et à l’étranger, après son décès brutal le 29 septembre dernier.

La tristesse est profonde. Aguirre est irremplaçable. Nous n’avons pas fini de mesurer les conséquences de sa disparition.

Côté système de presse, nous voilà orphelins.

Durant le processus de fondation du NPA, lorsqu’il a fallu se pencher sur la question, Aguirre n’a pas lésiné sur son temps : ses compétences et sa longue expérience ont largement contribué à la mise en place de nouveaux outils militants au sein d’une architecture dont tout laissait alors penser qu’elle serait viable.

Cela fait partie des nombreux domaines dans lequel il a continué à s’investir quotidiennement.

Aguirre n’était pas de ceux qui exigent une bruyante reconnaissance, mais il avait en tête, plus que d’autres, le souci du journal au quotidien, de sa diffusion et de ses rythmes.

Les archives de Rouge et de Tout est à nous ! laissent voir ce qui fut un fil conducteur de son engagement dans les dernières années, autour du mouvement altermondialiste et de tout ce qui pouvait fédérer, dans un cadre international, des forces syndicales, associatives et politiques appuyées sur la mobilisation de secteurs significatifs de la population.

Aguirre avait pris la mesure de l’importance du mouvement altermondialiste comme renouveau de luttes internationalistes largement stérilisées par le stalinisme durant la guerre froide. Et il s’y est impliqué à fond,

pendant que certains en faisaient des gorges chaudes, ou que les professeurs rouges professaient. Aguirre avait la conviction qu’on avait beaucoup à apprendre de ce mouvement. Le fait que le processus se soit épuisé, en venant buter sur des questions politiques de fond, le lien avec les gouvernements de centre-gauche, la difficulté de passer de la critique au projet, de l’élaboration à la mobilisation de masse, alors même que les victoires faisaient défaut, ne change rien à l’affaire. Avec le mouvement altermondialiste, on avait un processus nouveau de politisation et de repolitisation à une échelle massive, qui se posait de nouvelles questions parce qu’il était confronté à une nouvelle situation, proposait de nouvelles formes d’organisation, un mouvement qui a contraint par exemple les forces syndicales à modifier leur cadre de pensée habituel. Le mouvement des « Indignés » qui émerge aujourd’hui a sans doute l’altermondialisme en héritage.

Mentionner d’un côté l’implication concrète dans la conception et l’animation d’un système de presse, de l’autre la disponibilité et l’ouverture à ce que l’air du temps porte de radicalité, voilà sans doute une manière de rendre hommage à Aguirre, qui marchait sur ses deux jambes, tout sauf un apparatchik suspendu en l’air et mettant en œuvre une division des tâches que notre camarade a toujours combattue.

Voilà pour la synthèse. Et pour le fil conducteur, il y a le rejet du dogmatisme, la capacité à affronter les bilans (même les siens !), à remettre en cause les certitudes (mais pas les convictions !). Il y a aussi cette volonté de mettre en œuvre aujourd’hui les principes dont nous voudrions qu’ils fondent la société pour laquelle nous nous battons, en matière de rapports humains et d’émancipation. Aguirre avait ce souci de réconcilier le dire et le faire. Il mettait en pratique au présent, dans sa vie militante, ce que nous souhaitons au futur, des relations dénuées d’arrogance, de paternalisme, de sexisme, de racisme… des rapports humains débarrassés de toutes les oppressions. Sans doute faudrait-il, dans l’héritage laissé par Aguirre, prendre au sérieux ces deux questions décisives pour l’avenir.

Ingrid Hayes