Publié le Samedi 5 juin 2021 à 13h00.

Des violences d’extrême droite connectées à l’avancée du Rassemblement national

L’existence de ces groupes informels violents procède en quelque sorte de ce que proposait le théoricien d’extrême droite Dominique Venner dans les années 1960 pour renouveler le logiciel nationaliste : « Une organisation sans hiérarchie, sans délimitation territoriale, [avec des] membres qui fassent rayonner notre enseignement, suivant leur milieu, leurs capacités et leurs affinités ». Le milieu, sociologique et amical, de militants formés au sein d’organisations d’extrême droite (comme l’Action française ou Génération identitaire) pousse ces franges à cultiver de façon autonome la violence de rue, habillée de nouvelles modes « footballistiques ». Elles font ainsi « rayonner leur enseignement » au sein d’une jeunesse non militante mais ­soudée par le nationalisme.

« Militant intellectuel et violent »

Si certains adhèrent aux « éléments pour une contre-culture » développée par les identitaires, d’autres restent classiquement fascinés par les références aux fascismes historiques.

Sur une ville, la constitution d’une telle communauté est facilitée par l’existence d’un groupe politique, et encore plus d’un local. De nombreuses structures d’extrême droite orientent en effet leur activité sur des pratiques sociales et culturelles selon une inspiration localiste. Avec une salle de sport et une bibliothèque, se perpétue l’idéal maurrassien du militant « intellectuel et violent ». En élargissant leur cercle, ces groupes socialisent de jeunes nationalistes. Pour beaucoup, leur fougue ne trouve plus sa place au RN, dont la logique électoraliste pousse à la respectabilité. Pour autant, le parti de Marine Le Pen est-il déconnecté de cette violence d’extrême droite ?

Pour ponctuellement renforcer les troupes, le DPS, service d’ordre du RN, a l’habitude de recruter largement. Certains nervis « autonomes » peuvent donc, à l’occasion, donner un coup de main (tout comme dans le service d’ordre des Manifs pour tous). Les relations familiales facilitent parfois la connexion. Mais l’éternelle quête de « dédiabolisation » du RN le pousse être vigilant sur les farfelus dans ses rangs. Certes, les nombreux liens entre jeunes militants identitaires et RN sont clairement établis. Mais c’est en tant qu’attachés parlementaires, chargés en communication, voire candidats aux élections, qu’ils entrent dans le parti, pas dans son service d’ordre. Aujourd’hui, dans sa stratégie de grignotage des institutions, le RN n’a pas besoin de troupes de choc.

Quels liens avec le RN ?

Pourtant les deux sont liés. Dans le processus d’implantation des extrêmes droites, le discours s’accompagne toujours d’actes, quel que soit le niveau de coordination consciente des uns et des autres. Lorsque Jordan Bardella, porte-parole du RN désigne « ultra-gauche et islamistes » comme partageant « un objectif commun : la destruction de l’État et de la France », il désigne l’ennemi intérieur à « combattre avec force ». Ce genre d’amalgame grossier s’est retrouvé dans la fameuse tribune des militaires, approuvée par Marine Le Pen, et bien d’autres : « un certain antiracisme », « l’islamisme et les hordes de banlieue », « individus infiltrés et encagoulés » dans les manifestations. Les expressions sont suffisamment précises mais largement floues pour viser un spectre très large de potentiels artisans de l’anti-France.

Comme les politiques sécuritaires et les discours « décomplexés » du gouvernement légitiment la posture du RN, son militantisme nourrit la violence des jeunes nervis. Nul besoin d’être organisés dans une même structure politique pour que les tâches militantes soient réparties. Chacun pense ainsi agir à sa façon pour la « protection de nos valeurs civilisationnelles et la sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national » (« tribune des généraux » publiée par Valeurs actuelles le 21 avril dernier).