Affairés à la gestion de leurs échéances électorales, à la montée des idées racistes et intolérantes envers les migrantEs ou aux attentats de Daesh, les dirigeants de l’Union européenne ont renoncé à toute politique commune en matière de migration. Cette absence de stratégie, et cette déresponsabilisation collective sont la principale cause à la tragédie actuelle qui se joue sur terre et sur mer, au sein du continent, à ses frontières, et dans les pays d’où partent les migrantEs pour tenter l’aventure européenne.
À l’occasion du G7 qui s’est tenu les 26 et 27 mai à Tormina en Sicile, invoquant des raisons de sécurité, les autorités italiennes ont interdit pendant toute une semaine les débarquements de migrantEs, alors que les opérations de sauvetage ont explosé en quelques semaines.
Depuis le début de l’année, ce sont quelque 50 000 personnes qui ont été secourues (40 % de plus qu’en 2016) par les organisations humanitaires italiennes. Le choix symbolique de tenir ce sommet en Sicile aurait pu être l’occasion de faire avancer un dossier qui piétine depuis des mois... Rien n’en sera ressorti !
La Libye, un enfer pour les migrantEs, une aubaine pour les passeurs et les marchands d’esclaves !
En transférant à la Libye « la responsabilité de la gestion des flux migratoires », les dirigeants européens, comme ils l’avaient déjà fait en 2016 avec la dictature d’Erdogan, se rendent directement complices des exactions et des crimes commis contre les migrantEs et les réfugiéEs. Cette sous-traitance s’opère sur fond d’effondrement des structures étatiques, de guerre civile où s’affrontent des bandes armées et des gangs pratiquant la vente d’esclaves.
Le responsable du Haut commissariat aux réfugiés (structure de l’ONU), Filipo Grandi, en visite surprise en Libye, dénonce « des conditions épouvantables dans les centres de rétention ». Au Parlement européen, Éva Joly dénonce « l’externalisation de l’accueil des réfugiées tout en sachant que les réfugiés et migrants détenus en Libye sont victimes de tortures, de travail forcé, de violences sexuelles et de violations du droit humain ». Et 200 millions d’euros ont été versés comme acompte aux « autorités » de Tripoli pour faire le sale boulot...
Aujourd’hui, la Libye reste la seule possibilité pour les réfugiéEs et migrantEs africains pour tenter de rejoindre l’Europe, quel qu’en soit le prix humain à payer. Par un effet d’entonnoir, des dizaines de milliers de personnes fuyant les zones de guerre risquent leur vie, à la merci des passeurs et des gangs qui organisent ce trafic abject. Leur seul objectif : quitter les eaux territoriales libyennes, quitte à laisser leur peau au fond de la mer Méditerranée.
La Grèce et l’Italie toujours en première ligne
Premiers pays européens où les réfugiéEs et migrantEs accostent après une traversée souvent cauchemardesque, la Grèce et l’Italie sont donc également chargés d’établir les documents qui, selon les dispositifs prévus par les accords de Dublin, permettront de solliciter un droit d’asile, quelle que soit la destination finale choisie. Véritable chantage exercé par les pays du nord de l’Europe, ce dispositif contraint les demandeurs d’asile à la clandestinité et à une traversée de l’Europe, terrestre celle là, mais non moins risquée que la première. Depuis le 1er janvier 2017, ce sont plus de 50 000 migrantEs qui sont arrivés en Italie par la mer, soit une hausse de 45 % par rapport à toute l’année 2016, et 1 244 personnes identifiées dont le voyage s’est terminé par une noyade.
La région frontière de Vintimille, qualifiée de « Calais italien », voit arriver chaque jour de nouveaux contingents de migrantEs désireux d’entrer sur le territoire français. La Ligue du Nord y mène une campagne raciste de grande envergure pour exiger l’expulsion massive des réfugiéEs, tandis que du côté français, toute la panoplie des forces de répression est massée à la frontière pour refouler d’éventuels intrus.
La situation des migrantEs en Grèce n’est guère plus enviable, et le ministre de l’Immigration a mis en garde la Commission européenne contre l’application du dispositif de Dublin visant à renvoyer les demandeurs du statut de demandeur d’asile dans le pays où a été fait la première demande (le plus souvent, l’Italie ou la Grèce). « La Grèce porte déjà un très lourd fardeau. La Grèce n’a pas la possibilité de faire face à de nouvelles arrivées de réfugiés, nous avons atteint nos limites, nous ne pouvons plus faire entrer aucun réfugié. »
La Hongrie recrute des chasseurs de migrantEs !
On peut toujours trouver pire en matière d’abjection, mais le gouvernement raciste de Budapest vient de prendre une sérieuse option pour un titre européen, celui du gouvernement le plus xénophobe, et le moins regardant sur les moyens dont il se dote pour mener sa politique abjecte...
Lors de la campagne précédant le référendum anti-migrantEs d’août 2016, il avait émis la possibilité de créer sur la base du volontariat des milices qui, en partenariat avec la police et l’armée, seraient chargées de contrôler les frontières avec la Croatie et avec la Serbie pour y réprimer les migrantEs. C’est chose faite !
Ainsi, depuis le 2 mai dernier, des unités de « chasseurs frontaliers » formés par la police sont opérationnels. Armés d’un spray de gaz poivré, d’une matraque et d’un revolver, ces braves jeunes gens vont « combattre le poison »... « Un boulot garanti et bien payé » !
Partout en Europe, développons la solidarité !
Au risque de nous répéter, le sort réservé aux migrantEs et réfugiéEs est totalement insupportable. La banalisation de cette barbarie ne nous autorise pas à détourner les yeux en attendant des institutions européennes qu’elles changent soudainement leur politique migratoire.
Il est de la responsabilité des anticapitalistes européens de prendre à bras le corps des initiatives à l’échelle du continent pour inverser la tendance, pour recréer les bases d’un vaste mouvement, notamment dans la jeunesse, pour reconquérir une hégémonie progressiste, antiraciste.
Il ne suffira pas d’avoir des remords ou des regrets si, au moins, nous n’essayons pas...
Alain Pojolat