En 10 ans, 26 000 personnes sont mortes en Méditerrannée, chiffre sans doute en-dessous de la vérité. En 2015, le corps d’Aylan échoué en Turquie avait ému. Aujourd’hui, les drames se succèdent dans l’indifférence générale.
Le 26 février, au moins 70 migrantEs sont mortEs noyéEs près de la plage de Steccato di Cutro en Calabre. Ils venaient de Turquie et avaient cherché à éviter la Grèce et ses camps. La barque avait été repérée par un avion de Frontex, mais aucun secours ne leur était venu en aide.
Frontex et la guerre des États européens contre les ONG
La présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, dirigeante du parti fasciste Frères d’Italie, a exprimé sa « profonde douleur » face à ce drame et juge qu’il est « criminel de mettre en mer une embarcation de 20 mètres… avec 200 personnes à bord et une mauvaise météo ». Le ministre de l’Intérieur, Matteo Piantedosi, membre de la Ligue du Nord, a expliqué qu’il fallait arrêter les départs, seule façon d’éviter les mortEs. Ignoble !
Il n’y a plus de bateaux sauveteurs des États européens, seulement des bateaux des ONG. En Italie, le gouvernement d’extrême droite a engagé une guerre contre les ONG qui viennent secourir les migrantEs en perdition en Méditerranée. Le nouveau décret pris par le gouvernement de Giorgia Meloni oblige les navires humanitaires à effectuer un seul sauvetage à la fois dans une journée, les contraignant à accoster dans un port avant de retourner pour en secourir d’autres.
Ces navires ne pourront plus accoster dans des ports situés à proximité du sauvetage, mais devront remonter plus au nord des côtes italiennes. SOS Méditerranée parle d’une guerre qui leur est menée et estime que cela vise à les faire « disparaître de la Méditerranée centrale ». Pour Médecins sans frontières, éloigner les ports où les bateaux peuvent se rendre complique les sauvetages en augmentant les coûts en carburant.
L’Europe : un espace de non-accueil
De plus en plus de voies d’exil sont fermées rendant les passages de plus en plus dangereux. Lors de la visite du Premier ministre anglais Rishi Sunak le 11 mars à Paris, Macron et lui se sont mis d’accord sur un marchandage ignoble : empêcher toute traversée de la Manche, toute arrivée de réfugiéEs venant de France en Angleterre, en échange de quoi le gouvernement anglais verserait 541 millions d’euros pour financer des patrouilles policières sur les côtes françaises et construire un CRA dans le nord de la France.
Ursula van der Leyen veut que l’Europe redouble « d’efforts concernant le pacte sur la migration et l’asile ». Lorsque le 10 juin 2022, les 27 États ont adopté un « mécanisme volontaire de solidarité », il ne s’agissait pas de solidarité vis-à-vis des migrantEs mais entre les pays de l’UE pour répartir les demandeurEs d’asile.
Dans la même logique, la base de données européenne Eurodac permettant le fichage des migrantEs et des demandeurEs d’asile pourra être étendue aux pays limitrophes, renforçant toujours plus les frontières européennes. Il s’agira d’externaliser toujours plus loin, de tenir à distance celles et ceux qui sont considéréEs comme « indésirables », de payer des pays comme la Libye pour interdire les passages. Le développement dans les Balkans d’un système de collecte de données des personnes exilées et qui sera commun avec l’UE illustre cette volonté d’un flicage anti-migrantEs à l’échelle d’un continent.