Publié le Mercredi 28 septembre 2016 à 18h33.

L’EPR et ses (nombreux) déboires

Le fiasco de l’EPR symbolise aujourd’hui le naufrage du nucléaire civil français, mais aussi l’inanité de la politique énergétique du pays.

Une faillite financière

Comme tous les grands projets inutiles imposés, le coût de l’EPR a été largement sous-estimé puisqu’il est passé de 3,4 milliards d’euros lors de la présentation du dossier par EDF en 2004... à 10,5 l’année dernière. Et ce n’est pas fini ! À Hinckley Point en Angleterre, le coût a plus que doublé pour atteindre maintenant 24,5 milliards d’euros. Du coup, les usagerEs devront payer deux fois le prix actuel de l’électricité pendant 35 ans.

Ces surcoûts mènent à la faillite : Areva, c’est de facto déjà fait, et EDF s’en rapproche dangereusement, au point que le directeur financier, Thomas Piquemal, a démissionné en mars dernier pour ne pas cautionner les risques pris par l’entreprise avec le projet anglais. Et 6 500 travailleurs ­auront perdu leur emploi d’ici 2017.

Un désastre industriel

Alors que les EPR étaient censés placer EDF et Areva en leaders mondiaux du nucléaire, leur construction a mis en évidence leur incapacité à mener ces projets à bien. Les malfaçons ne se comptent plus : mise en œuvre défectueuse du béton ou du ferraillage, soudures mal faites ou « anomalies » dans le couvercle des cuves en acier, éléments clefs des réacteurs. L’EPR finlandais est exempt de ce défaut car la cuve a été fabriquée par Mitsubishi et pas par Areva, mais pas les deux EPR chinois. Ce défaut est rédhibitoire et ne peut pas être rafistolé, comme l’ont été par exemple les trous dans le béton. Mais changer une cuve, une fois en place, nécessiterait de démolir l’enceinte du réacteur. Il est prévisible que l’ASN donne un blanc-seing à EDF malgré le risque pour la sécurité.

Les travailleurs, premières victimes

La logique de la sous-traitance en cascade a été poussée à l’extrême, avec 80 % des travaux confiés à des entreprises qui ont elles-mêmes sous-traité. Selon les époques, ce sont des centaines d’ouvriers d’Europe de l’Est (Roumanie, Pologne principalement) ou du Portugal qui travaillaient sur le site dans des conditions déplorables, jusqu’à 15 heures de travail par jour, des ouvriers sans couverture sociale, du travail dissimulé qui a mené plusieurs entreprises en correctionnelle. Deux accidents mortels ont endeuillé le chantier (un intérimaire salarié par Tissot, sous-traitant de Bouygues, a fait une chute de 18 mètres et un salarié d’Endel est lui aussi décédé quelques mois plus tard d’une chute de 10 mètres).

Une catastrophe environnementale

Conçu après l’accident de Tchernobyl, l’EPR est supposé répondre aux normes de sécurité… des années 1990, revues à la marge suite aux attentats du 11 septembre 2001 à New York et à la catastrophe de Fukushima. Mais tous les experts s’accordent pour dire qu’aucun des 58 autres réacteurs ne résisterait au crash d’un avion de ligne chargé en kérosène (ainsi évidemment que les piscines dans lesquelles est stocké le combustible usagé). Sans parler des multiples maillons faibles du confinement (ouvertures, traversées de réseaux…). De plus, l’EPR, comme 22 autres réacteurs d’EDF, est conçu pour fonctionner au MOX, un combustible encore plus dangereux que l’uranium.

Une filière ridiculisée

Les dernières centrales nucléaires construites en France datent des années 1990. Aucune industrie ne peut se permettre de laisser passer des dizaines d’années sans production. Sinon elle risque de perdre tout son savoir-faire. EDF décide donc de lancer le programme EPR en 2004. Peu importe qu’il n’y ait aucune utilité, EDF est passée maître dans la création de besoins (chauffage électrique, aujourd’hui voitures électriques), ou que la rentabilité ne soit pas assurée par rapport aux énergies renouvelables, puisque les usagerEs paieront...

Mais EDF/Areva a maintenant démontré qu’elle ne sait pas construire une centrale. En Finlande, on en est à 9 ans de retard, avec un surcoût de 6 milliards d’euros et les Finlandais réclament des milliards en dommages et intérêts. Le contrat signé avec Londres fait porter tous les risques à EDF.

Démanteler l’EPR de Flamanville aujourd’hui sera long et cher, mais moins que le coût social et écologique. Une fois en fonctionnement, le démantèlement total sera quasi impossible, le coût astronomique, et le site pollué à jamais.L’EPR de Flamanville ne doit jamais être mis en service.