Face aux chutes de revenus et aux faillites, quelles réponses ?
Alors que les entraves à la « concurrence libre et non faussée » dans le domaine agricole tombent sous les coups de boutoir du libéralisme, qu’il s’agisse des droits de douanes ou des normes qualitatives et environnementales, le monde paysan s’alarme des risques de chute des revenus et de faillites. Les différents accords intercontinentaux n’inquiètent pas seulement en France. Ainsi les producteurs espagnols d’agrumes redoutent l’ouverture des marchés européens aux oranges d’Afrique du Sud. Mais l’agriculture française s’estime particulièrement vulnérable.
Fuite en avant ou « protectionnisme intelligent » ?
Deux types de réponses émergent. La première est difficilement avouable car elle va à rebours des attentes sociales comme de l’intérêt de la grande majorité des paysans : s’adapter à la mondialisation capitaliste et rester un acteur de premier plan sur les marchés en gagnant en compétitivité, quitte à sacrifier les moins performants. Pour lutter à armes égales, il faut rabaisser les normes sociales et environnementales, accepter la banalisation des produits, ne plus limiter les intrants ni s’interdire les OGM ou les hormones de croissance. Ce discours n’est tenu par personne dans sa globalité, mais si on met bout à bout les propos de certains dirigeants de la FNSEA…
Face à ce cynisme, d’autres défendent le maintien de régulations au sein d’un espace protégé afin de préserver l’emploi et l’environnement. La plupart souhaitent un retour à la PAC des origines, celle du Marché commun et de la « préférence communautaire » dans les échanges, avec des protections aux frontières de l’Union, d’où l’exigence d’une « exception agricole » calquée sur l’exception culturelle, préservant les produits de la terre des vicissitudes du libre-échange.
Les motivations de ceux qui veulent tempérer le libéralisme sont plus sympathiques que le productivisme dévastateur, raison pour laquelle nombre de dirigeants politiques et syndicaux affectent de défendre l’inverse de ce qu’ils mettent en application. Les ministres de l’Agriculture sont experts en double langage. Mais les partisans du « protectionnisme intelligent » présentent l’agriculture française comme un modèle fragile et menacé à préserver des méchants étrangers, en oubliant qu’elle fait à l’inverse partie des prédateurs. Nous parlons bien du système, pas de la majorité des paysans...
La France aussi exporte des poulets
La France est un des principaux exportateurs de céréales. Autres postes excédentaires : les vins et alcools, ainsi que les produits laitiers. La situation est plus contrastée pour les viandes. Le commerce extérieur des fruits et légumes est déficitaire. Cependant, l’agriculture reste le « pétrole vert » longtemps vanté. Il faut ajouter que les crises successives de l’élevage ont montré que la concurrence la plus vive était entre pays européens, alors que dans les « domaines d’excellence », il ne s’agit pas tant de « manger et boire français » que de se disputer la clientèle des pays émergents. Pour le volet écologique et sanitaire, on ne lave certes pas les poulets à l’eau de javel, mais quelles sont les conditions d’élevages des poulets exportés congelés vers l’Arabie saoudite ?
Le « protectionnisme intelligent » est inconséquent dès lors qu’il ne remet pas clairement en cause la « vocation exportatrice » de l’agriculture française et le productivisme. Seul un autre modèle agricole, non subordonné aux intérêts du Capital, préservera agriculteurs et consommateurs en relocalisant une partie des productions et en respectant le développement de tous les peuples.
Gérard Florenson