C’en est presque désopilant de se dire que l’on peut encore être surpris du niveau d’incompétence, voire de j’m’en-foutisme, de la part de ceux qui prétendent diriger le ministère de l’Éducation nationale.
Alors que tous les scientifiques alertent sur le plateau beaucoup trop élevé des contaminations et hospitalisations et craignent une 3e vague, que le gouvernement estime que la situation est suffisamment alarmante dans une vingtaine de départements pour y imposer un élargissement du couvre-feu à partir de 18 h, interdisant davantage toute vie sociale en dehors du travail, le silence de Blanquer est assourdissant. Mais peut-être a-t-il été trop absorbé par la préparation de sa campagne des régionales ? La seule communication de son ministère a été d’annoncer une réunion le 7 janvier, quoi de mieux pour préparer les conditions sanitaires de la rentrée du 4 ?
« La situation est tout à fait convenable »
Dans plusieurs régions britanniques, en Allemagne, en Irlande, aux Pays-Bas, en Autriche, en Grèce et en Pologne, la rentrée est décalée pour laisser le temps aux épidémiologistes d’analyser les effets d’un variant du Covid qui pourrait être plus contaminant, en particulier chez les jeunes. En France, il n’en est pas question et, le 3 au soir, Blanquer selon son mode de communication habituel, a déclaré sur BFM : « Aujourd’hui, la situation est tout à fait convenable pour faire la rentrée, dès lors que l’on respecte plus que jamais le protocole sanitaire ». De quoi mettre les personnels de l’éducation, les jeunes et leurs familles bien en colère, surtout que cet épisode vient après la rentrée calamiteuse de septembre et surtout celle de novembre où il a fallu la mobilisation des personnels et des lycéenEs pour imposer un renforcement des protocoles sanitaires, dont la possibilité de dédoublements en lycée. Puisque rien ne viendra du ministère, il reste à compter sur l’intelligence collective et la détermination des personnels et des élèves.
C’est indispensable pour que les écoles et établissements ne se transforment pas en bombes sanitaires dont la déflagration amplifierait cette 3e vague déjà menaçante. Tout l’enjeu va être d’articuler la défense de mesures de protection sanitaire dont la plupart avaient été oubliées les dernières semaines précédant les vacances, à des mesures pédagogiques assumant qu’il ne s’agit pas d’une année « normale » : aménagement des programmes, et des conditions des examens pour que les élèves et leurs enseignantEs puissent se projeter, annulation des périodes de stages en lycée professionnel et annonce de dispositifs transparents et nationaux pour l’évaluation des élèves, embauche de personnels et réquisition de locaux non utilisés (il y en a pas mal en ce moment) pour assumer jusqu’à la fin de l’année un allègement des effectifs et éviter que les élèves ne risquent de décrocher.
L’urgence de la mobilisation dès maintenant
Et surtout ces revendications immédiates ne peuvent pas nous faire oublier les enjeux posés par l’appel intersyndical à la mobilisation le 26 janvier : le mépris de Blanquer est sûrement plus tangible en période de crise sanitaire, mais c’est toute sa politique et en particulier la préparation de la rentrée qui constitue une offensive majeure contre les personnels et le droit à l’éducation de la jeunesse. Ce n’est pas avoir un esprit d’opposition systématique mais il est évident qu’il faut imposer point par point l’inverse des projets de Blanquer. Au lieu de supprimer 1 800 postes dans le second degré, remplacés par 1 847 postes en heures supplémentaires (seul moyen d’augmenter les salaires pour la majorité des enseignantEs), il faut un plan d’embauches massives (en commençant par la titularisation des contractuelEs sans condition de nationalité) pour ramener les élèves à 24 par classe dans le second degré et 15 maximum en lycée pro et dans l’éducation prioritaire. C’est un enjeu pour créer des conditions de travail efficace et pour éviter des départs de personnels démoralisés. Mais c’est indissociable d’une augmentation des salaires d’au moins 300 euros en rattrapage du pouvoir d’achat perdu pour toutes et tous (enseignantEs, agentEs, personnels médico-sociaux, AEd, AESH). Un vrai statut avec un déroulement de carrière et des formations pour les assistantEs d’éducation, mais aussi tous les nouveaux métiers créés à la va-vite, assistantEs pédagogiques, accompagnantEs des enfants en situation de handicap, assistantEs de prévention….
Cela représente un vrai plan d’urgence pour l’éducation et signifie la construction d’une mobilisation à la hauteur pour l’imposer. Un calendrier existe qu’il faut faire vivre dans tous les établissements scolaires : semaine de mobilisation des AED et AESH du 19 au 26 janvier, journée de grève intersyndicale le 26 janvier et de grève interprofessionnelle le 4 février. Contre la politique globale autoritaire et antisociale de ce gouvernement, le combat pour un service public d’éducation répondant aux besoins de la population prend toute sa place.