Malgré la forte opposition du monde de l’Enseignement supérieur et la recherche (ESR), la LPR (loi de programmation de la recherche) a été promulguée le 24 décembre 2020. Si le ministère renonce au « délit d’entrave » (la énième mesure liberticide prétendant criminaliser le répertoire d’occupation des facs), le paquet de lois reste un cadeau de Noël empoisonné préconisant la fin du statut d’enseignant-chercheurE, la marginalisation du rôle des instances d’évaluation comme le CNU et la subordination de la recherche à l’agenda politique et aux aléas de l’économie capitaliste. La loi prévoit en effet le renforcement du modèle des financements fléchés aux dépens des financements pérennes pourtant seuls à même de garantir l’autonomie de la recherche et de permettre des expérimentations indispensables à l’émergence de savoirs nouveaux et critiques. Un coup de grâce pour les universités, déjà gravement éprouvées par la pénurie de moyens induite progressivement par les effets de la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités).
Le « nouvel esprit » de l’ESR
Accompagnée par des contestations massives qui se sont produites entre 2007 et 2009, la loi LRU a été une porte d’entrée pour l’affirmation du « nouvel esprit » de l’ESR et de son processus progressif de marchandisation dont la LPR constitue une étape décisive. « L’autonomie » proclamée constitue en effet ici un habillage pour imposer une gestion hiérarchique et managériale des établissements publics, plaquée sur les logiques de rentabilité et de concurrence propres à l’entreprise capitaliste. En redéfinissant les modalités de financement des établissements à partir de l’évaluation quantitative de la production académique, la LRU réduit le travail des personnels de l’ESR à l’état de marchandise, ce qui ouvre la voie aux pratiques du new management dans le secteur public et oblige l’ensemble des instances et des activités de recherche à s’ouvrir au secteur privé. Contraints par la baisse constante des budgets, les établissements doivent constamment trouver leurs propres ressources. L’autonomie devient donc dans les faits une forme de servitude où les libertés académiques sont constamment piétinées.
La gestion autonome des budgets s’est traduite en outre par des réaménagements acrobatiques des maquettes des formations universitaires et l’épuisement et la précarisation des équipes pédagogiques, notamment dans les établissements les moins bien lotis. La recherche de fonds devient une nouvelle tâche non déclarée qui empiète sur le temps consacré à l’enseignement et à la recherche tout en ayant un impact sur l’ensemble des processus de travail et des catégories de l’ESR, des enseignantEs aux personnels BIATSS (bibliothèques, ingénieurs, personnel technique, administratif et socio-sanitaire). La restructuration du modèle de management et de gestion des ressources humaines déconstruit les missions du service public et est à l’origine d’une grande souffrance et d’une perte de sens. Dans une même logique, les étudiantEs doivent se soumettre à l’opacité des principes de sélection de ParcourSup, une nouvelle machine à reproduire les inégalités mettant en concurrence les étudiantEs et en les redistribuant dans les différentes filières et établissements supérieurs en prédéterminant, d’une façon à la fois machinale et autoritaire, leur destinée sociale.