Cette année sous Covid a été marquée par des mobilisations inhabituelles dans l’éducation, avec un point commun : la grande difficulté à organiser la coordination et en particulier dans le cadre de l’intersyndicale, même si celle-ci a finalement soutenu les mobilisations existantes. Au total, cela a largement invisibilisé ces mobilisations.
Les travailleurEs sont les mieux placés pour répondre aux problèmes
De l’élaboration à la mise en application de protocoles sanitaires un tant soi peu protecteurs, il a fallu compter davantage sur les capacités des mobilisations des personnels que sur les directives ministérielles et leurs déclinaisons locales. Soit les protocoles étaient très largement insuffisants, soit ils étaient totalement inapplicables. Ce sont donc les équipes qui ont dû les repenser en utilisant les droits de retrait et les débrayages. Clairement, c’est la multiplicité de ces démarches des équipes éducatives qui a évité que les écoles et établissements du second degré ne se transforment en autant de clusters. Et quand l’épidémie est, à nouveau, devenue hors de contrôle dans certaines zones (en particulier dans le 93), c’est à nouveau aux personnels qu’est revenue la responsabilité d’utiliser les droits de retrait pour protéger les salariéEs, mais aussi les élèves et leurs familles, pourtant comme en début d’année scolaire à chaque fois ces droits de retrait ont été refusés par la hiérarchie.
Blanquer, enfermé dans sa logique dangereuse, à défaut de légitimité, a décidé de passer en force et de chercher à couper les têtes qui dépassent, histoire de faire des exemples. Il a fallu des mois de manifestations pour soutenir les 3 devenus 4 collègues de Melle harceléEs pour avoir soutenu leurs élèves mobiliséEs contre la réforme Blanquer. Au mois de novembre, lorsque l’insoutenable assassinat de Samuel Paty a servi à justifier une offensive de normalisation de la « laïcité républicaine » imprégnée de défiance envers les élèves et leurs profs, il a fallu compter sur le refus des équipes pour ne pas appliquer les consignes ministérielles : refuser la délation des élèves soupçonnés de « radicalisme », développer une vision de la liberté d’expression et de l’esprit critique qui refusent de verser dans l’islamophobie ambiante. Mobilisations qui ont nourri de nouveaux motifs de répression de collègues comme à Angela-Davis dans le 93.
Les plus précaires mobiliséEs pour leurs droits
C’est l’autre point marquant de cette année totalement bousculée par une double offensive, celle de l’épidémie et celle de Blanquer qui, faisant feu de tout bois, a voulu museler les résistances et appliquer à la hussarde ses réformes, et même au-delà (avec les expérimentations de démantèlement de l’éducation prioritaire). Avec une évidence : tous ces projets renforcent et accentuent la précarité des salariéEs de l’éducation.
Et ce sont justement les plus précaires qui ont été à l’offensive. Les personnels de vie scolaire, celles et ceux que l’on appelle les AED, n’avaient pas connu de mobilisation nationale depuis la lutte contre ce nouveau statut en 2003. Ces personnels ont été la première ligne de l’éducation face au coronavirus. La plupart des collègues AED ont été malades, toutes et tous plusieurs fois cas contacts, non remplacés, ce qui dégradait le travail des équipes complètement désorganisées. Et ce au moment où ces collègues représentaient pour beaucoup d’élèves désorientés un point d’écoute, devenu rare dans les établissements du second degré. Parti d’établissements de Marseille, un appel à la grève des vies scolaires a connu en décembre un écho inattendu. Ce qui a permis la mobilisation dans la durée et l’organisation des AED en coordination nationale qui a élaboré une plateforme revendicative particulièrement offensive sur la question du statut et des augmentations de salaires (à commencer par les primes d’éducation prioritaire pour tous les AED qui y travaillent). Une semaine de grève, du 19 au 25 mars, a permis aux AED de faire connaître leurs revendications à l’ensemble des personnels, construire la solidarité à travers les caisses de grève. Dans de nombreux établissements, 100 % de la vie scolaire était en grève. Cela s’est aussi accompagné de la mobilisation des AESH qui accompagnent les élèves en situation de handicap. Des collègues tout aussi précaires et sous-payéEs. La bataille pour un véritable statut, pour la titularisation et pour l’obtention des primes d’éducation prioritaire au même titre que les enseignants constituent une bagarre particulièrement offensive. Certes, pour l’instant ces bagarres n’ont pas permis d’imposer un véritable recul hormis chez les infirmières scolaires, mais elle montre la possibilité de reconstruire des mobilisation larges et offensives dans l’éducation nationale.
Construire un mouvement large
Le problème majeur pour nous est qu’on a, d’une part, la volonté, pour toute une partie des personnels, d’en découdre avec le ministère (jamais le mot d’ordre « Blanquer démission » n’a été aussi audible). Mais, d’autre part, les bagarres locales ou partielles de plus en plus isolées perdent et ne donnent pas confiance aux collègues qu’il est possible d’arracher des victoires face à une hiérarchie qui ne lâche rien. Les syndicats enseignants font face à un manque d’équipes syndicales sur le terrain et creusent l’écart en étant souvent déconnectés des batailles actuelles, notamment sur les revendications des AED.Mais, au-delà des revendications, c’est surtout d’un plan de bataille national dont nous avons besoin, permettant d’unifier les bagarres et de construire un mouvement d’ensemble. Nous devons avoir conscience de l’ensemble de ces problèmes afin de les surmonter en commençant par la construction de cadres d’AG partout à la rentrée en faisant le lien entre l’ensemble des personnels.