Publié le Dimanche 14 septembre 2014 à 16h30.

Éducation nationale : les ministres se suivent, la politique reste la même...

Dossier réalisé par la commission Éducation nationale du NPAL’ex-ministre Benoît Hamon a quitté le gouvernement avant sa première rentrée. C’était le bon moment. Pourtant, à la suite de Peillon, il n’a pas rechigné à la tâche pour mettre en place les réformes injustes et régressives. Le 23 août 2014, juste avant de partir, il publiait les décrets réformant les statuts des enseignants qui seront appliqués à la rentrée 2015. Il est aussi le ministre qui a imposé la généralisation de la réforme des rythmes scolaires face aux mobilisations des enseignantEs, parents et animateurEs. Il a cédé beaucoup plus facilement aux réactionnaires en retirant les ABCD de l’égalité... Najat Vallaud-Belkacem est la nouvelle ministre, mais la politique restera la même...

Une rentrée scolaire chaotiqueLes seuils du nombre d’élèves par classe sont dépassés, des classes sont créées en urgence sans les moyens nécessaires, des élèves ne peuvent pas s’inscrire dans leur établissement faute de place... Une forte pression s’exerce sur les heures supplémentaires, des postes sont laissés vacants, la précarité se développe. La généralisation des rythmes scolaires généralise les galères et les injustices. La mise en place de la réforme de l’éducation prioritaire rend encore plus insupportable le manque structurel de moyens dans les établissements concernés. Partout personnels et élèves sont sous pression.

Des économies immédiatesLes salaires resteront gelés jusqu’en 2017. La promesse de 60 000 postes créés en 5 ans, bien qu’insuffisante par rapport à la hausse démographique, ne sera pas tenue. Les jurys ont recalé trop de candidats et laissent 20 % de postes non pourvus... La réforme des rythmes scolaires reporte sur les communes, riches ou pauvres, une partie des frais d’éducation de leurs enfants.

L’intensification du travailLa réforme des statuts accentue la pression sur les enseignantEs, notamment avec des missions qui deviennent obligatoires en dehors des heures de cours. L’encadrement du travail pédagogique sous le contrôle de l’administration, limite toujours un peu plus la liberté pédagogique. La réforme territoriale menace les conditions de travail déjà difficiles des ATTEE (agents territoriaux : entretien, cantine …).

L’école au service des entreprisesLa conférence sociale de juillet a placé le rapprochement école-entreprises au cœur de la politique de « redressement productif ». Il s’agit surtout de développer l’apprentissage et d’adapter les formations professionnelles aux besoins immédiats des entreprises. Le collège est mis au diapason, avec sa réforme qui se profile. Enfin, le socle commun est porteur d’une logique d’évaluation par validation de compétences, mesurant l’employabilité des jeunes et en concurrence avec les diplômes nationaux.

Renversons la vapeur !Les enseignantEs des académies de Versailles et de Créteil ont eu raison de se battre cet hiver contre la pénurie de moyens, notamment dans les ZEP. Certains se sont mis en grève dès la rentrée face aux conditions déplorables. Dans les écoles, les enseignantEs, parents et animateurEs, ont eu raison de se battre contre l’application de la réforme des rythmes dans leur ville. Enfin, les lycéenEs qui ont bloqué leurs lycées contre les expulsions de leurs camarades sans papiers, contre la fermeture de classes ou les suppressions de postes, ont démontré que le gouvernement n’avait pas encore gagné la partie.

Unifions les batailles !Chaque année, des luttes se mènent, des grèves parfois longues de plusieurs semaines, mais elles n’ont pu dépasser le stade de réactions, au coup par coup, à des situations locales. Il manque aux mobilisations une perspective d’ensemble. Les mobilisations sur les rythmes scolaires, ville par ville, en sont un exemple, alors qu’il aurait fallu une mobilisation de toutes et tous contre la réforme. Les directions syndicales en portent une lourde responsabilité. Cette année, les élections professionnelles risquent d’alimenter leur réflexes boutiquiers, mais cela ne doit pas nous empêcher d’organiser au maximum les bagarres contre les conditions de travail et d’étude dès la rentrée et faire entendre les revendications des personnels. Pour gagner, il faudra se battre pour construire et développer les luttes dans la perspective de mettre en échec, par la grève, le budget 2015 présenté à l’automne, un budget de combat contre les salariéEs, l’éducation et la jeunesse.

Contre le « socle » des inégalitésLe Conseil supérieur des programmes (CSP) travaille à la mise en place des « curriculum », une méthode en vigueur dans différents pays suite à l’introduction des « compétences ». Sa première tâche consiste à définir un « nouveau » socle, conformément aux exigences de la loi Peillon : « il s’agit de mieux l’articuler avec les enseignements afin qu’il devienne le principe organisateur de l’enseignement obligatoire »...

Un projet a été rendu public. Sur le fond, rien n’a changé : les « compétences » y sont plus que jamais présentes, notamment « apprendre à apprendre ». L’enseignement serait réduit à « opérer des liens entre les disciplines », se limiterait aux « notions de base » et ferait la part belle aux « compétences » comportementales.Sur la forme, instruit de l’échec du socle Fillon, le gouvernement et son CSP sont obligés de manœuvrer, bien aidés en cela par des syndicats enseignants qui participent tous aux « concertations », la direction du SNES prétendant même que ce socle constitue « une bonne base de discussion »...

Adapter les programmes aux contextes locauxEn fait, ce projet est étroitement lié à d’autres dossiers, l’objectif étant d’imposer l’enseignement par « compétences » que la résistance des professeurs a empêché jusqu’à présent. Bien que ce socle reste évasif sur l’évaluation, le gouvernement travaille à la mise en place en 2016 d’un nouveau livret de compétences (le LSUN : livret scolaire unique numérique), et une conférence dite de « consensus » est prévue sur le sujet afin d’en finir avec la coexistence de deux modes d’évaluation.Plus grave, désormais le socle commun constitue « le programme des programmes ». Dans cette logique « curriculaire », les programmes seraient la déclinaison du socle, sans avoir vocation « à entrer dans le détail de la mise en œuvre », ouvrant ainsi la voie à leur adaptation suivant les « besoins locaux ».Dans un rapport rendu public par Mediapart, le ministère expose sa démarche : « remise du nouveau socle, publication et mise en œuvre des nouveaux programmes, disparition du LPC, expérimentation du LSUN, généralisation du LSUN comme outil unique d’évaluation, de suivi des élèves et d’attestation des compétences. Faute de cette cohérence, LSUN serait victime des même erreurs que celles qui ont provoqué le rejet du livret personnel de compétences (LPC) ». En clair, le « nouveau » socle constitue une première étape, indispensable, destinée à aider le gouvernement à réaliser ses objectifs.

Sur ces bases, aucune « concertation » !Ces projets constituent une remise en cause du cadre national des programmes, ce qui ne peut que menacer les examens et diplômes nationaux, au profit des « compétences » réclamées par le patronat, et au-delà une remise en cause du droit à l’instruction. Cette offensive s’inscrit dans la perspective de redéfinition du statut des enseignants, le tout ne pouvant déboucher que sur une dégradation sans précédent des conditions d’apprentissage. C’est pourquoi tout doit être entrepris pour la rupture des concertations syndicats/gouvernement, pour que se réalise l’unité visant à balayer le socle et tous ces plans.

Le bateau coule... Qu’importe pourvu qu’on tienne les rythmes !Une nouvelle rentrée catastrophe dans les écoles... Qu’importe : seule compte la mise en place généralisée de la catastrophique réforme des rythmes scolaires.

L’administration a eu les plus grandes peines à trouver des enseignantEs à mettre devant chaque classe. Pourtant, ils avaient déjà réduit la voilure en fermant des classes malgré les hausses démographiques. Résultat : les classes continuent à se transformer en boîtes à sardines dans lesquelles on parque les enfants. Et pour combler les trous le jour de la rentrée, on déplace des enseignantEs d’une école à une autre, dans une ambiance de chaises musicales pathétique, au gré des contestations des parents d’élèves ou des équipes enseignantes.Mais pour le gouvernement, qu’importe. En cette rentrée, la seule chose qui compte c’est de montrer que la réforme des rythmes scolaires s’applique dans toutes les communes ! C’est déjà le troisième ministre de l’Éducation qui défile depuis l’élection de Hollande, mais sans plus de réponses aux problèmes de l’école que de démontrer qu’on maintient le cap de la réforme des rythmes.Et tant pis si plus personne ne se souvient de l’objectif de cette réforme. C’était pourquoi déjà ? Ah oui, améliorer le bien-être des enfants à l’école… Assurer la réussite de tous... Ouvrir chacun à la culture et au sport… Qui peut encore croire à ce mensonge ? Un quart d’heure de pause supplémentaire le midi ou une demi-heure d’enseignement en moins l’après-midi ne permettent certainement pas de compenser le manque d’enseignantEs, la destruction organisée de tous les réseaux d’aide aux enfants en difficulté scolaire (RASED), ou le manque de locaux ou d’infrastructures sportives.

Dire ensemble stop !Par contre, la réforme des rythmes scolaires montre déjà son vrai visage, avec des conséquences importantes sur les conditions de travail des personnels. C’est une machine à fabriquer de nouveaux précaires. La majorité des communes ont embauché plusieurs dizaines de personnels vacataires et à temps partiel. 1h30 de cantine le midi et 3 heures d’activités périscolaires l’après-midi et bien entendu non payés pendant les vacances scolaires... La réforme modifie aussi les horaires de l’ensemble des personnels titulaires (animateurs, Atsem, enseignants…), chaque commune négociant au cas par cas les nouvelles organisations du temps de travail. Quand le négociateur s’appelle Patrick Balkany, maire de Levallois-Perret (92), le résultat peut s’avérer gratiné : il s’octroie le droit de retirer les Atsem (personnel de service) des classes de maternelle le mercredi matin et de les faire travailler avec une coupure de 3 heures dans la journée. Et ce type d’exemple n’est malheureusement pas isolé.Pour les élèves, les conséquences de la réforme, ce n’est pas juste plus de fatigue comme l’évoquent les parents, mais c’est surtout beaucoup plus d’inégalités. Les activités périscolaires mise en place par les mairies le sont en fonction des moyens de chaque commune. Ainsi , le gain personnel pour l’enfant n’est pas le même si la commune propose des cours de chinois ou une après-midi Kapla (des jeux de construction en bois)…Maintenant que cette réforme s’applique partout, il est grand temps de dire ensemble que nous n’en voulons pas. Pour beaucoup d’équipes enseignantes, la coupe est pleine. Devant des classes surchargées et des postes non pourvus, plusieurs écoles ont déjà décidé de se mettre en grève et de ne pas assurer la rentrée dans  ces conditions. En s’appuyant sur ces mobilisations, il est possible de réunir les parents d’élèves et les personnels de l’éducation pour s’opposer à cette réforme. L’histoire n’est pas finie...Le collège au cœur du tri socialCa ne va pas s’arranger avec ce gouvernement... L’idée du collège unique est d’offrir à toutes et tous les jeunes une même éducation, leur donner accès aux mêmes connaissances...

Le collège a déjà deux rôles distinct qui peuvent s’opposer : préparation au lycée général pour certains, orientation professionnelle pour d’autres. Avec la crise et le manque de postes d’enseignants et de personnel éducatif, les écarts se creusent entre les élèves. Du fait des suppressions de classes en lycée professionnel et de la croissance démographique, la mise en concurrence des élèves vis-à-vis de l’orientation est toujours plus violente. En parallèle, Valls veut développer l’apprentissage par alternance, soit toujours moins d’école et plus d’entreprise... Le collège, comme charnière de l’orientation, joue le rôle de tamis du tri social.

Rallonger la scolarité obligatoire, sans sélection ni orientationLe gouvernement compte graver dans le marbre cette logique. Conformément à la loi Peillon, Valls et Hamon ont insisté sur la mise en place de parcours d’orientation, dès la classe de cinquième, pour « renforcer la compétence à s’orienter (!), développer une culture économique et l’esprit d’entreprendre », cela avec la participation des régions et des entreprises. Le concept de livret de compétence, petit frère du socle commun, permet une gestion plus mécanique de l’orientation des élèves au détriment de leur construction personnelle.On se dirige vers un collège qui ne dépense des moyens que pour les élèves qui « réussissent ». Pour les autres, au lieu de mettre les moyens d’enseignement nécessaires à leur progrès, le gouvernement préfère mettre l’accent sur la découverte professionnelle. L’adaptation aux besoins immédiats des entreprises signifie surtout un passeport vers la précarité pour de nombreux jeunes.Au contraire, il faudrait retarder l’orientation professionnelle, avec une scolarité obligatoire de 2 à 18 ans, sans sélection ni orientation. Cette scolarité devrait être polytechnique et offrir à la fois une formation générale, technique et manuelle, pour chaque élève.Réforme territoriale : ce n’est pas aux agents de payer !Dans les établissements scolaires, les agents chargés de l’entretien, l’accueil, la cantine ou la maintenance sont des fonctionnaires territoriaux (ATTEE). Ainsi, en Seine-Saint-Denis, la pénibilité du travail se répercute sur la santé : problèmes articulaires, mal de dos, fatigue nerveuse... Avec la construction de 5 nouveaux collèges, le Conseil général a décidé d’un plan de réorganisation des agents, avec notamment la création de cuisines centrales (pour fermer les cuisines d’établissement) et des déplacements de postes vers les nouveaux collèges.La réforme territoriale se fait dans le but de réaliser au moins une dizaine de milliards d’économie et aura des conséquences sur les postes, les salaires et les conditions de travail. La construction d’un projet éducatif émancipateur, qui rompe avec la division sociale du travail et l’exploitation capitaliste, doit compter, aussi, sur les luttes des ATTEE.Réforme des ZEP : la double peineTouchées de plein fouet par la crise capitaliste et les suppressions de postes, les zones d’éducation prioritaire (ZEP) vont de mal en pis. L’asphyxie des moyens pédagogiques, les suppressions de classes, notamment dans les lycées professionnels, accentuent la mise en compétition des élèves (particulièrement brutale en fin de 3e pour l’orientation) et le sentiment d’échec qui en découle.En décembre dernier, les ZEP devenaient des réseaux d’éducation prioritaire (REP+), ce qui devait allouer des moyens supplémentaires pour avoir des maîtres supplémentaires, décharger les enseignants pour les temps de concertation et avoir un meilleur accompagnement des élèves... En réalité, les REP+ deviennent un laboratoire de la « refondation » de l’école : contrôle de la hiérarchie sur le travail en équipe des enseignants, conseil école-collège, flexibilité des enseignants entre école et collège, parcours d’orientation et découverte du monde économique et professionnel, et une difficulté accrue pour l’élève qui voudrait poursuivre une ­scolarité longue.Pire encore, à cette rentrée, les moyens attendus ne sont pas arrivés, et les quelques miettes attribuées au nouveau label REP+ l’ont été au détriment des autres établissements, dont les deux tiers des ZEP... Cela se traduit par un allongement du temps de travail des enseignantEs, des classes toujours bondées, le socle commun et la découverte professionnelle pour les élèves.EnseignantEs anticapitalistes, militantEs tout-terrain...Le gouvernement se sert actuellement du vecteur de la pédagogie pour faire passer ses réformes libérales. Nous n’en sommes pas dupes, et nous nous opposons frontalement à ces réformes parce qu’en réalité, elles visent à détruire le service public national d’éducation.

MilitantEs syndicauxNous nous battons au quotidien pour l’amélioration de nos conditions de travail et l’amélioration des conditions d’études des jeunes. Nous sommes contre les classes surchargées ; pour des locaux décents, rénovés ; pour une augmentation des salaires des personnels et une diminution du temps de travail, de manière à pouvoir nous consacrer pleinement à l’éducation de la jeunesse. Nous sommes de toutes les luttes contre les inégalités. Et nous sommes bien sûr celles et ceux qui construisent les luttes contre les réformes actuelles, où nous y défendons quand c’est possible l’extension, la généralisation de la grève.

MilitantEs politiquesNous sommes pour en finir avec cette société. Dans ce combat, l’État n’est pas « au-dessus de la mêlée », mais au contraire au service de la classe dominante. Et il sert ses intérêts propres, ce qui explique les cours de morale républicaine ou l’épreuve « d’agir en bon fonctionnaire » dans les concours pour devenir enseignantE. C’est en ce sens que nous sommes pour la destruction de cette École.Nous pensons que les actions collectives –  manifestations, grèves, assemblées générales – permettent de progresser et d’apprendre tous ensemble. C’est dans les formes spécifiques de chaque lutte, décidées collectivement, que le niveau de conscience va augmenter, que l’auto-organisation va se mettre en place... Bref, c’est là qu’émerge l’embryon de la société que nous voulons, une dynamique que nous voulons importer dans nos classes.

MilitantEs pédagogiquesNous portons un projet de société émancipateur, débarrassé des oppressions pour toutes et tous, y compris l’oppression de la jeunesse. Sans croire « au socialisme dans une seule classe », nous organisons une éducation populaire qui explicite le monde et l’organisation des oppressions dans l’ensemble des domaines disciplinaires. Nous souhaitons transmettre des savoirs validés ainsi que des processus de validation et de construction des connaissances. Mais ni les contenus ni la manière d’agir ne sont neutres. Ainsi, nous ne nous comportons pas en dictateurs dans nos classes, et au contraire nous mettons sur pied avec nos élèves des organisations les plus démocratiques possible (autogestion, conseils d’élèves, etc.).C’est sur ce trépied – syndical, politique et pédagogique – que nous agissons au quotidien.