Depuis 2009 et le mouvement contre la Loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU), les gouvernements successifs ont continué à avancer leurs réformes libérales de l’enseignement supérieur sans qu’une mobilisation massive arrive à les stopper. Cependant au printemps 2018 la mobilisation des étudiantEs contre l’augmentation de frais d’inscription pour les étudiantEs étrangers, qui a occupé les facs pendant le printemps, a été suffisamment massive pour redonner confiance.
Si cette mobilisation n’a pas réussi à gagner, elle a permis de créer des liens que l’on a retrouvés à l’hiver 2019 lorsque la lutte contre le projet de réforme des retraites et contre la LPR commence. Du 5 décembre 2019 au 11 mars 2020, les personnels de l’ESR (enseignantEs-chercheurEs, technicienEs et administratifs) se sont mis en grève, ont fait de gros cortèges dans les manifestations interpro, et le collectif Facs et Labos en lutte a organisé des coordinations nationales avec plusieurs centaines de personnes. De fait la plus grosse mobilisation depuis 2009 !
Tous ces collectifs, en lien avec les organisations syndicales, sont autant de points d’appui pour la construction d’un ESR que l’on veut conserver en service public ouvert à touTEs, générateur de savoirs et émancipateur.
Des outils au service des luttes
La fermeture des universités depuis des mois rend plus difficile la nécessaire convergence entre étudiantEs et personnels des universités, mais la difficulté à remobiliser et à imposer un rapport de forces au gouvernement depuis septembre montre bien que sans irruption de la jeunesse sur le devant de la scène, les mobilisations dans l’ESR sont difficiles à faire croître.
Au quotidien, le travail syndical reste d’une importance capitale pour défendre nos collègues (principalement les BIATSS), de l’accompagnement individuel aux CHSCT et CTE. C’est en faisant la démonstration que nous sommes là pour les défendre, que les collègues seront plus enclins à venir aux AG ou manifestations.
Le développement des collectifs de précaires ces dernières années et principalement en 2020 doit par ailleurs nous interroger, sur les nouvelles formes d’organisations privilégiées notamment par les précaires mais aussi les femmes : une organisation plus horizontale, la visibilisation de la précarité, des inégalités de genre et des violences sexistes, des formes de mobilisations nouvelles, au-delà des formes pérennes d’organisation, en faisant vivre l’auto-organisation des mobilisations à travers les AG, l’écriture et la diffusion de tracts dans les services, la création de ressources et actions en ligne. La mobilisation contre la LPR début 2020 a été historique, à nous de remobiliser nos collègues sur ces bases !
Le savoir et la recherche comme moyen d’émancipation
La recherche et le savoir se construisent sur un temps long incompatible avec la précarité des contrats. De même, la soumission à l’évaluation permanente, le management par la mise en compétition, la carotte aux primes individualisées brisent les chercheurEs : nous y opposons un statut pérenne de fonctionnaire, la collégialité, l’autogestion des établissements dans un réseau coordonné contre l’autonomie libérale des universités.
La recherche doit se dégager des intérêts économiques privés et des logiques de compétition, ce qui passe notamment par la fin des cadeaux au patronat via le crédit impôt recherche notamment.
Nous défendons, à l’inverse, une recherche et des savoirs qui permettent par ailleurs d’analyser les mécanismes de domination, de genre, racistes... Pour ce faire, l’enseignement doit aussi repenser les rapports entre enseignantE et enseignéE.
La crise sanitaire actuelle l’a montré, le fonctionnement de l’ESR n’a pas permis de mobiliser savoir et recherche pour le bien de la population. La course aux brevets, le développement de financements sur fonds privés sont antinomiques avec une recherche au service de l’intérêt public et du bien commun. Pourtant l’université et la recherche que nous voulons doivent être des outils pour l’émancipation, pour faire avancer les connaissances pour produire des biens sociaux, fruit d’une construction et d’une discussion collective. C’est aussi le sens des mobilisations actuelles où l’on expérimente de nouvelles formes de gouvernance de l’université et de construction et mise en commun de l’expertise et des ressources militantes. Ceci passe par la démocratisation du savoir, par un fonctionnement démocratique de la recherche, par une remise en question des hiérarchies existantes à l’université, en somme, pour des lendemains qui pensent !