Publié le Jeudi 23 septembre 2021 à 08h00.

L’Éducation nationale couve une blanquérite

Ayant dépassé le 12 septembre les 4 ans, 3 mois et 26 jours au poste de ministre de l’Éducation, Blanquer peut s’enorgueillir du record de durée sur le poste depuis 1958 ! C’est un record qui fait mal au service public d’éducation, à l’ensemble des personnels qui y travaillent, avec un statut et des conditions d’exercice de plus en plus dégradées, au point de s’interroger sur le sens de leur métier.

Ce record fait aussi très mal à la jeunesse scolarisée de la maternelle au lycée. Car en plus de son record de durée, Blanquer aligne aussi celui des réformes express, dont on serait tenté de dire « ni faites ni à faire », mais qui malheureusement s’appliquent en mode rouleau compresseur. Avec un double fil directeur : caporaliser les personnels et liquider les aspirations à assurer dans tous les quartiers, dans toutes les régions, un même droit à l’éducation au nom d’une ­méritocratie décomplexée.

Avalanche de contre-réformes

La « réforme phare du quinquennat » est le dédoublement des classes de CP et CE1 puis grande section de maternelle en éducation prioritaire, sans que les moyens suivent. Ainsi, en Seine-Saint-Denis les dédoublements peuvent être à 13, 14 ou 15 plutôt qu’à 12 enfants maximum comme prévu, par manque d’enseignantEs ; ou entasser les enfants avec deux enseignantEs dans une seule classe par manque de locaux…. Autre réforme, celle des programmes de l’école primaire pour remettre au cœur les « fondamentaux » (« lire, écrire, compter ») et saper la liberté pédagogique. Et aussi : mise en place de la fonction des directions d’école pour tenter d’exploser le collectif pédagogique dans les écoles en instaurant une hiérarchie ; mise en place « à titre expérimental » des Cités éducatives (dans 126 quartiers « prioritaires » en 2021) et des contrats locaux d’accompagnement (dans les académies de Nantes, Lille et Marseille), véritable poissons-pilotes pour dynamiter l’éducation prioritaire de plus en plus vidée de ses moyens. Avec comme axe principal la « contractualisation », depuis la gestion des personnels, en passant par l’intervention du privé via des associations visées par le ministère de la Cohésion des territoires, jusqu’à la mise en œuvre de l’enseignement sous forme de projets seule garantie d’obtenir des moyens.

Les réformes des bacs général et technologique, de la voie professionnelle, ont quant à elles explosé les emplois du temps des élèves, réduit les enseignements et mis en concurrence les équipes pédagogiques et en leur sein, les enseignantEs, poussant nombre d’entre elles et eux à s’interroger sur leur volonté de continuer leur métier. Enfin, et non des moindres, la réforme de la formation initiale des enseignantEs et l’empilement de dispositifs inquisitoriaux autour du concept fourre-tout de « Consolider les principes républicains à l’école » qui tournent autour des « devoirs » des enseignantEs vis-à-vis de leur employeur : l’État.

Hécatombe chez les personnels

En pleine période de crise sanitaire, cette avalanche de réformes et leurs effets dévastateurs aboutit à une situation de crises latentes : inquiétudes face à l’avenir, sentiment d’injustice et de discriminations de plus en plus systématisées vis-à-vis de quartiers et de populations racisées ou marginalisées dans les zones périurbaines rongent les élèves et leurs familles. Mais aussi fragilisation des équipes pédagogiques, incitées à se soumettre aux commandements du ministre autoritaire mais aussi à évoluer dans leurs pratiques voire à se réorienter, alors même que les salaires en chute et les conditions de recrutement découragent les bonnes volontés, laissant la voie libre au développement de la contractualisation des personnels édictée par la Révision générale des politiques publiques qui mine le statut des fonctionnaires. Ce qui aboutit à des postes qu’il est devenu littéralement impossible de pourvoir comme les infirmières scolaires, les assistantes sociale, les psychologues scolaires, parce qu’ils ne peuvent être tenus par des contractuelEs embauchés à la va-vite, sans formation et sous-payés, comme c’est le cas pour les enseignantEs, mais aussi les personnels accompagnant les enfants en situation de handicap ou les personnels de vie scolaire (AED).

Trois semaines après la rentrée, les réactions restent sporadiques et localisées, lorsque trop c’est trop, mais les conditions sont là pour préparer une offensive générale contre Blanquer et l’ensemble de son œuvre : il y a urgence pour sauver et restaurer la possibilité d’un service public d’éducation.