Publié le Samedi 21 novembre 2015 à 11h52.

Argentine : « Excusez pour le dérangement, mais ils sont en train de nous tuer »

Le 3 juin 2015, l’Argentine a été secouée par la manifestation la plus massive depuis plusieurs années. Des centaines de milliers de femmes et d’hommes se sont mobilisés contre le féminicide et les violences faites aux femmes : 150 000 à Buenos Aires, entre 30 000 et 50 000 dans chacune des grosses villes argentines (Rosario, Córdoba, Mendoza)... Cette appel a été repris par des femmes en Uruguay et au Chili.

Il y avait déjà eu cette année des initiatives contre les violences faites aux femmes, mais l’appel à la mobilisation autour du #NiUnaMenos (« pas une de moins ») a été lancé par des journalistes et artistes militantes féministes après que trois femmes ont été tuées par leur compagnon ou ex-compagnon pour la seule et unique raison d’être des femmes...

Ça a été le moment pour des milliers de femmes de sortir de la peur et de manifester pour témoigner leur histoire, pour dire « moi aussi j’en ai souffert ». Les slogans « assez de féminicides », « assez de violence » ou « si il t’aime, il ne te tue pas, il ne te viole pas, il ne te maltraite pas, il ne t’insulte pas », inondaient les rues, en réclamant des statistiques officielles sur le fémicide, et l’application de la loi contre les violences faites aux femmes.

L’État responsable

En Argentine, le sexisme tue une femme toutes les 32 heures. Pour l’année 2014, on compte 277 féminicides. Pour les militantes féministes argentines, l’État est responsable des féminicides. Sur 14 % des crimes commis, un signalement avait déjà été donné à la police. Le plus souvent, les crimes de femmes ne donnent pas réellement lieu à une investigation policière sérieuse, et, lorsque les procès n’aboutissent pas à des non-lieux, les peines restent ridiculement petites.

Les militantes argentines mettent aussi en avant que l’État se rend complice des meurtres de femmes en refusant l’avortement libre et gratuit. Sur 245 morts de femmes liées à l’accouchement, 20 % étaient en 2014 la conséquence des avortements clandestins.

Une manifestation gigantesque

Si la mobilisation du 3 juin a été rendue possible c’est parce qu’il existe en Argentine un mouvement féministe depuis le début du 20e siècle, qui a pris différentes formes dans son histoire. Une d’elles est le Congrès national des femmes qui depuis 30 ans réunit tous les ans des organisations féministes et syndicales de tout le pays. Cette année, le thème était : « Contre la violence faite aux femmes, contre la traite des femmes, pour la légalisation de l’IVG », comme un écho pour poursuivre la mobilisation du mois de juin.

Pendant deux jours, plus de 15 000 femmes de tout le pays ont participé aux ateliers contre la violence et le féminicide, qui ont eu lieu dans 65 écoles de la ville de Mar del Plata, et qui étaient ouverts à la population.

La rencontre s’est clôturée le 15 octobre par une manifestation gigantesque : 65 000 femmes reprenant les mots d’ordre de #NiUnaMenos. Les manifestantes ont fait des arrêts symboliques devant les tribunaux et devant des anciennes maisons closes, ainsi que devant la cathédrale pour condamner le rôle complice de l’Église catholique dans les violences faites aux femmes.

Chloé (Bordeaux) et Virginia de la Siega