Publié le Mercredi 25 janvier 2017 à 11h36.

« Défendre un « front » d’action, politique et électoral » (DEA)

Deux ans après la victoire politique de Syriza aux élections du 25 janvier 2015 et seulement 15 mois après la victoire électorale d’Alexis Tsipras contre l’aile gauche du parti Syriza aux élections du 20 septembre 2015, le gouvernement Tsipras s’enfonce dans une crise profonde...

Ce n’est pas un hasard. Ayant signé le mémorandum 3 avec les créanciers et les directions européennes, Syriza – tout en continuant à faire comme s’il parlait au nom de la gauche radicale – s’engageait dans la voie des attaques néolibérales en Grèce.

Reculs

Aujourd’hui, les résultats sont flagrants : les retraites ont encore baissé et – surtout – le système de sécurité sociale publique est en voie de privatisation. De grands services publics et des infrastructures (trains, aéroports, ports, etc.) sont rapidement privatisés. Les chômeurs restent sans aide sociale et la classe ouvrière est devant le risque d’une nouvelle baisse du smic et d’une attaque finale dans la flexibilisation des rapports du travail (incluant une « libération » complète des licenciements en groupe ainsi que le laminage du droit de grève).

Cette dégringolade du point de vue de la politique économique est combinée à une retraite désordonnée sur le champ de la démocratie : le gouvernement Syriza applique point par point la politique raciste de l’accord Grèce-Turquie-UE sur les réfugiés. À la demande du gouvernement grec, la flotte militaire de l’Otan patrouille en mer Égée, violant une tradition anti-­impérialiste établie en Grèce il y a une quarantaine d’années…

Quelle est la perspective de ce recul ? Le « quartet » l’a clarifié, par la voix de Wolfgang Schäuble : la signature d’un mémorandum 4, qui va prolonger à l’infini l’austérité dure... sans que soit accordé le moindre adoucissement à la dette publique.

Chute

Le résultat de ce recul désordonné est la déception généralisée, surtout à gauche. Cette déception de masse a un double effet : d’une part, elle permet à Tsipras de continuer à gouverner, avec face à lui des mobilisations de moindre intensité. Mais, d’autre part, elle dépossède Tsipras de toute perspective, toute dynamique politique, ayant lui-même par sa politique scié la branche sur laquelle était basée sa propre montée au gouvernement.

Au moment où sont écrites ces lignes, la question n’est pas de savoir si le gouvernement Syriza-ANEL1 va tomber, mais quand ! Et il va tomber dans de sales conditions, dans un climat de mépris ouvrier généralisé (qu’on entrevoit déjà dans les sondages), ce qui va créer un nouveau rapport politique. En même temps, le chef de la Nouvelle Démocratie, l’extrême-néolibéral Kyriakos Mitsotakis, ne semble pas en mesure actuellement de transformer la perte d’audience de Syriza en courant politique dominant en faveur d’une revanche de la droite.

Front

Dans cette phase, la question de la force et de l’influence de masse d’une gauche radicale anticapitaliste va être cruciale pour les évolutions ultérieures. Sinon, un espace va être créé pour l’extrême droite, avec au centre les nazis d’Aube dorée (Chryssi Avgi), qui garde une influence de l’ordre de 8 % dans les sondages.

Notre réponse à cette question, c’est notre participation à l’Unité populaire (LAE)2. C’est la formation qui a gardé la plus grande partie de l’aile gauche de Syriza, et qui s’est aussi renforcée par une partie venue d’Antarsya. Dans ses rangs, nous menons la bataille pour la ligne politique et les alliances nécessaires. Il s’agit surtout de la liaison nécessaire du mot d’ordre de sortie de l’euro avec un programme plus global de transition, pour le renversement de l’austérité, vers l’émancipation socialiste. Il s’agit aussi de défendre un « front » d’action, politique et électoral, entre l’Unité populaire, Antarsya et les autres forces qui sont parties à temps de Syriza.

Pour le moment ce « front » n’est pas réalisable, surtout à cause de la résistance due à certains choix sectaires. Sa nécessité nous paraît pourtant si évidente que nous estimons qu’au final, il va être créé. Ceci nous permettra de continuer, tant dans la rue qu’aux élections, tout ce qu’on a fait d’important pendant ces 10-15 dernières années, dans un pays qui a servi de « laboratoire » tant pour l’agressivité du néolibéralisme que pour la résistance de masse à toutes ses attaques.

Antonis Davanelos

(DEA et Unité populaire)

Titre et intertitres de la rédaction, notes des traducteurs.

 

  • 1. ANEL est un parti nationaliste dirigé par Panos Kammenos, qu’on peut ranger dans la droite extrême (une sorte de De Villiers grec).
  • 2. L’Unité populaire a été créée été 2015, essentiellement par la minorité de Syriza qui a refusé la capitulation de Tsipras. Formée dans l’urgence en tant que front électoral pour les élections législatives de septembre 2015, et rejointes alors par deux organisations composantes d’Antarsya, elle s’est constituée formellement à l’été 2016. Ayant vécu comme un fait décisif son incapacité d’entrer au P arlement, elle a subi depuis une forme d’hémorragie, le dernier groupe à l’abandonner la semaine dernière étant l’Organisation communiste reconstruction...