Une nouvelle baisse des retraites, déjà réduites en moyenne de 40 %, 14e baisse depuis 2010 (!), ainsi qu’une libéralisation plus poussée des licenciements, ou même l’imposition des bas salaires, sont notamment au menu des « discussions » actuelles de la troïka.
Comme le relève le rapport récent de l’institut de recherche INE, avec la destruction de presque tout l’appareil de dépenses sociales (notamment des différentes allocations), les retraites sont le seul élément qui continue à jouer un rôle d’absorption relative de la violence capitaliste. Cela correspond d’ailleurs à l’expérience de nombreuses familles ouvrières qui n’ont aucun revenu, sauf la petite retraite des grands-parents. Casser ce dernier élément social renforcerait encore plus l’efficacité des différents programmes européens d’« activation » des chômeurs, dont la principale raison d’être est de casser toutes les règles minimales d’un travail décent.
De même, la discussion sur une refonte des lois sur le travail (comme l’introduction éventuelle du lock-out) ne vise pas tellement une nouvelle vague de licenciements, puisque ceux-ci ont déjà montré leur efficacité redoutable : le niveau du chômage (officiellement à 22,6 %) a été stabilisé autour de 30 % (29,6 % au dernier trimestre 2016 selon l’INE). On y compte les cercles grandissants des découragéEs (2,18 %) et celles et ceux qui sont forcés à des horaires et salaires réduits (5,4 %), mais sans y inclure les 9,7 % de travail partiel (souvent forcé) ou les 10 % de la force de travail (surtout les jeunes diplômés) qui a déjà émigré, ni bien sûr la baisse terrible de la population active de 7,8 points depuis 2008 (à 53 % en 2016) !
Une UE illégitime
Il s’agit plutôt de renforcer le caractère marchand et individuel de la force de travail en supprimant ce qui reste des règles collectives et en codifiant le rapport de forces gagné par le capital. Dans le même sens vont d’ailleurs les « toolkits » (boîtes à outils) de l’OCDE, notamment sur le système éducatif (introduction des systèmes de concurrence et d’évaluation généralisée au sein du processus éducatif), ainsi que, dans un autre registre, la gestion des dettes privées individuelles (qui ont explosé grâce à la troïka), notamment avec l’extension des saisies de maisons, dont la logique est de transformer la petite propriété en vrai capital.
À la pointe de ces transformations européennes, la société grecque les subit en outre sous un mode théâtral : les marchandages interminables entre gouvernement(s), think tanks spécialisés (FMI, OCDE...) et instances européennes. Apparaît alors largement l’Union européenne comme machine de guerre collective sans légitimité.
L’expérience de la défaite (ou de la trahison, ce qui revient au même) de Syriza et l’intensification de l’attaque, y compris la transformation du pays en garde-frontière européen contre des flux de réfugiéEs, radicalisent les réponses faites à tout ça, de façon encore moléculaire mais cumulative. Cela dans deux sens : anticapitalistes mais aussi nationalistes…
D’Athènes, Tassos Anastassiadis