On n’a retenu de cette mobilisation que le Contrat première embauche, un nouveau type de contrat pour les jeunes de moins de 25 ans permettant une période d’essai de deux ans. C’est contre cette attaque fondamentale contre le code du travail que la plupart des jeunes et des salariéEs se sont mobilisés...
Mais une bonne partie des militantEs du mouvement possédaient cependant une vision plus large. Le CPE était en effet en totale cohérence avec le CNE (Contrat nouvelles embauches, la même mesure mais pour les entreprises de moins de 20 salariéEs), et de nombreux salariéEs se sont mobilisés contre le CPE en espérant arrêter l’extension de ces mesures, leur transformation en un Contrat de travail unique remettant en cause le CDI.
Au départ, un amendement...
Le CPE constituait un amendement de dernière minute du Premier ministre Dominique de Villepin à la loi sur l’égalité des chances, loi qui autorisait également l’apprentissage à 14 ans, le travail de nuit dès 15 ans, la suppression des allocations familiales et des stages dans la police et l’armée pour les jeunes repérés comme de « futurs délinquants ». Elle avait été préparée après la révolte des quartiers populaires de fin 2005 contre la mort de Zyed et Bouna, et visait à stigmatiser les jeunes de ces quartiers, les contraindre à un « travail et tais-toi ».
Pour bien des militantEs, l’enjeu de la mobilisation était de faire retirer cette loi dans son intégralité. Pour d’autres, c’était de mettre un coup d’arrêt a développement de la légalisation de la précarité. C’est bien entendu sur cet aspect que le mouvement a obtenu une victoire : le CNE lui-même a été jugé contraire au droit international par l’Organisation internationale du travail, et tous les CNE ont donc été requalifiés en CDI…
Au contraire, la loi sur l’égalité des chances a été votée et mise en place. Si, largement, la mobilisation a été vue comme un victoire, de nombreux militantEs ont considéré la fin du mouvement comme une victoire partielle.
Pourquoi le gouvernement a-t-il retiré le CPE ?
Villepin était le favori de Chirac pour contrer Sarkozy au sein de l’UMP. Mais, afin d’obtenir des gages de la part du la classe dominante et de l’appareil de l’UMP, il a dû montrer qu’il était aussi radical que Sarkozy, aussi capable que lui de faire passer des réformes d’un haut niveau d’agressivité. Il a donc pris le risque d’affronter la jeunesse, mais il a surestimé ses forces. En effet, petit à petit, Villepin a été lâché par Sarkozy et la majorité des députés UMP. De plus, sa popularité et son habileté n’ont pas suffi à relancer un pouvoir à bout de souffle après l’AVC de Chirac, ce qui a donné l’impression d’une vacance du pouvoir pendant plusieurs mois : mobilisations dans les universités, contre la réforme des retraites, contre la guerre, contre la réforme des lycées, et surtout victoire du Non au référendum sur la Constitution européenne.
L’obstination du gouvernement, cela malgré les millions de personnes dans la rue, malgré le blocage de la majorité des universités, malgré le soutien de l’opinion à la mobilisation, a transformé le mouvement en crise politique : pour beaucoup, il devenait inacceptable et totalement antidémocratique qu’un président comme Chirac, élu avec les voix d’une grande partie de la gauche en 2002 lors du second tour contre Le Pen, se permette de maintenir son projet. à un an de la présidentielle et des législatives, Sarkozy et les députés UMP ne voulait pas prendre le risque de devenir plus impopulaires. Chirac et Villepin ont donc été totalement isolés par un mouvement qui devenait de plus en plus difficile à contrôler.
Ainsi, dans les universités, le sentiment était d’être en grève depuis tellement longtemps qu’il était clair que cela ne pourrait s’arrêter qu’avec une victoire. De plus, chaque journée de grève et de manifestation rendait plus massif le mouvement chez les salariéEs. Le mouvement étudiant menaçait donc de se transformer en mobilisation massive du monde du travail réclamant le départ de Villepin. Prendre ce risque était impossible pour le duo Chirac-Villepin.