Publié le Mercredi 12 juin 2024 à 14h08.

La victoire de Bardella : les fruits pourris de la macronie

Les résultats électoraux du Rassemblement national (RN) lors du scrutin des européennes, au-delà de constituer une victoire majeure du parti d’extrême droite, valident deux éléments centraux de sa tactique de campagne.

 

La campagne « Vivement le 9 juin », lancée dès septembre 2023, a été principalement, pour ne pas dire exclusivement, axée sur l’opposition à Macron et la volonté de faire des européennes une étape vers une victoire dans les élections nationales à venir. Une manière pour le RN de se présenter comme l’original et de conquérir des électeurEs, dont le racisme et l’islamophobie sont désormais normalisés par la politique du gouvernement et une partie de la droite — la copie— qui n’ont cessé de chasser sur les terres de l’extrême droite, notamment avec le vote de loi Asile et immigration.

Le bulletin RN a ainsi été présenté comme un vote « pour sanctionner la politique d’Emmanuel Macron et de son gouvernement » dans les tracts et jusqu’à la profession de foi du candidat Bardella. L’appel à ne pas disperser les voix « patriotes » a été couronné de succès, puisque le RN s’est établi en pseudo « vote utile contre Macron ». 

Le Rassemblement national a ainsi pu bénéficier de la relative mobilisation électorale, et d’une hausse de 8 points de son score par rapport à 2019. C’est une progression de près de 2,5 millions d’électeurEs, à quasiment 7,77 millions de voix. 93 % des communes françaises positionnent le RN en tête des suffrages. 

Cette dynamique n’a pas contrarié la capacité de Reconquête à gagner des députéEs européens, et Marion Maréchal, qui avait ménagé ses coups à l’égard du RN durant la campagne, s’emploie désormais à vouloir mettre la réserve de voix que constitue le vote Reconquête à la disposition de Le Pen/Bardella, alors que des dissensions sont apparues en cours de campagne au sein du parti zemmouriste. 

Des propositions floues pour mieux s’adresser au patronat

Comme depuis le début de la « dédiabolisation », le RN a misé sur le profil « policé » du candidat Bardella, « gendre idéal », propre sur lui, s’appuyant sur une véritable surexposition médiatique mais aussi très présent sur les réseaux sociaux avec ses 1,4 million d’abonnés sur TikTok, tout en étant radicalement raciste sur le fond, mettant notamment en avant le thème du « Grand Remplacement » dans ses ­meetings.

Souhaitant installer une « grille de lecture complémentaire » à celle du clivage « nationalistes contre mondialistes », Bardella a appelé à « rassembler, les partisans de la puissance, c’est-à-dire tous ceux qui pensent que la France est encore une grande nation avec une identité millénaire, une culture, un génie, des frontières et une prospérité à conquérir »

En mettant l’accent sur le « redressement », Bardella visait particulièrement le patronat (le cadre de l’élection européenne s’y prêtant peut-être plus qu’un autre) : entre l’affirmation de son « programme économique […] en faveur du business et de l’entrepreneuriat » et son un appel à la « sobriété normative » pour « cesser d’alourdir le fardeau règlementaire qui pèse sur nos entreprises »

Si la défense du pouvoir d’achat était mise en avant dans les documents de campagne, les tonalités sociales de la campagne Bardella ont été plutôt faibles sauf quelques sorties sur la voiture thermique et le coût de l’électricité. 

Finalement, le RN, cultivant le flou de ses propositions économiques et son jeu d’équilibriste, arrive en tête dans presque toutes les catégories sociales, avec une forte progression chez les ouvriers, et pour la première fois en tête chez les cadres.

La dissolution donne raison au RN

L’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Macron donne une fois de plus raison au discours et à la stratégie du RN. En effet, Le Pen avait indiqué le 25 mai sur X qu’elle débattrait contre Emmanuel Macron s’il mettait sur la table sa démission ou la dissolution de l’Assemblée nationale en cas d’échec de la liste Renaissance. Dès le 17 avril, Jordan Bardella affirmait déjà vouloir demander la dissolution « le soir même » en cas de victoire le 9 juin. 

La décision présidentielle a précipité l’agenda dont l’extrême droite avait posé les bases durant toute la campagne (le RN lui-même étant certainement pris de court). 

Depuis plusieurs mois, les proches conseillers de Marine Le Pen ont apparemment élaboré un « Plan Matignon ». Si les futurs candidats aux législatives ne semblent pas avoir été positionnés et mis en avant dans la campagne européenne, il ne s’agit pas d’une véritable difficulté puisque l’extrême droite va s’appuyer sur la dynamique nationale comme dans tous les scrutins. 

Le racisme, socle pour rassurer les marchés

Le score du RN et le rapprochement à grande vitesse Bardella/Maréchal, catalysés par la dissolution, mettent l’extrême droite, y compris la plus radicale, en position de confiance. Les premières projections sur les législatives envisagent une majorité bleue marine. 

La construction d’une mobilisation puissante pour occuper l’espace médiatique et la rue, poussant l’unité électorale sur un programme clair et qui ne se limite pas à un attelage ­d’appareil, sont à l’ordre du jour. 

Il s’agit aussi pour nous de démonter les mensonges en matière sociale et les propositions racistes du RN et de rendre visible les risques pour les droits sociaux, les droits fondamentaux, les libertés et la planète d’un gouvernement Macron/Bardella. 

Les contradictions entre la nécessité pour le RN de rassurer les marchés et de s’ériger en candidat de celles et ceux d’en bas peuvent s’accentuer dans le cadre d’une élection nationale : il faut lever le voile de cette tromperie et dénoncer puissamment la permanence du discours raciste et les dangers énormes que représente une potentielle victoire aux ­législatives. 

Le RN n’est pas une réponse à Macron, mais l’assurance vie du régime.