Le 17e congrès du Rassemblement national se tiendra les 3 et 4 juillet à Perpignan. Il lancera la campagne de Marine Le Pen pour la présidentielle de 2022. Mais la mécanique envisagée lors du précédent, qui voyait la succession des européennes, municipales puis départementales et régionales comme autant d’appuis pour engager la dynamique vers l’accession au pouvoir, s’est grippée.
Outre la difficulté du RN à constituer des listes pour les municipales, la crise sanitaire a perturbé le programme. Certes les maires RN se sont plutôt maintenus. Mais le nombre d’élus dans les conseils municipaux a fortement réduit. Et resteront-ils ? Les démissions en cours de mandat sont courantes au RN... ce qui n’accrédite pas le sérieux d’un « parti de gouvernement ». Son appareil politique grisé par les sondages vient de percuter le réel. Les voix pour le RN ont fondu depuis le précédent scrutin régional. Pourtant son électorat n’a pas disparu. C’est ce qui permet à Marine Le Pen d’être convaincue de sa « bonne ligne », dans sa recherche non d’un « vote de colère » mais d’un « vote d’adhésion » Cette désaffection par l’abstention montre que la politisation profonde, en dehors du moment présidentiel, n’a pas encore passé le cap de l’adhésion étroite et militante.
Caporalisme, magouilles, dissensions
Le congrès élira les instances, dont le Conseil national, « parlement du parti » – qui ne se réunit pas plus d’une fois par an. Bel exemple de démocratie… Au RN, on ne discute pas collectivement des orientations autour de textes stratégiques. Soit on suit la ligne de la présidente, en grognant ou par enthousiasme, soit on claque la porte, si possible en déversant dans la presse toutes ses rancœurs. Et une période d’élection est riche en ressentiment personnel.
Près de 30 % des membres sortants du Conseil national ne se représentent pas. Certains ont démissionné plus ou moins vite : Bernard Monot, qui est parti à Debout la France, Valérie Laupiès, qui fera certainement campagne pour Zemmour, Jean Messiha, ou Christelle Lechevalier, qui a claqué la porte en critiquant « un véritable fourre-tout ». Certains ont quitté le parti depuis le dépôt de leur candidature : comme Nicolas Faure, délégué départemental des Hautes-Alpes, qui a appellé à l’abstention pour les régionales, ou Arnaud Humbert, qui est parti, entre les deux tours, avec toute la direction des Deux-Sèvres. Dissensions internes, magouilles et incompétence, caporalisme et suivisme, faiblesse militante et caisses vides à la limite de la cessation de paiement : la réalité organisationnelle du RN est masquée par son poids électoral. Quand les électeurs ne se déplacent pas, les doutes fracturent la confiance dans la ligne Marine Le Pen.
Synthèse entre national et social
L’enjeu politique de sa campagne présidentielle réside dans sa synthèse entre national et social, pour rallier un électorat populaire tout en rassurant la droite « de l’ordre » et « pro-business ». Mais les questions programmatiques ne sont pas à l’ordre du jour de ce congrès. Le temps fort sera la modification des statuts. Pour se transformer en une candidate indépendante « soutenue par le RN », et pour éviter de démissionner (ce qui entraînerait une réélection au risque de faire apparaître les tensions internes), la présidence pourra se mettre en disponibilité. La ficelle est grossière pour se fondre dans la mode des mouvements gazeux. C’est la « normalisation » du RN.
Mais ce qui est vu comme un affadissement de son discours résulte en fait d’une extrême droitisation du reste de l’échiquier politique. Une candidature d’Éric Zemmour, celle d’une extrême droite décomplexée, ne constituerait qu’un stock de voix pour le second tour, permettant à Marine Le Pen de jouer la carte de l’apaisement. Elle reste « la candidate naturelle d’une droite populaire et de conviction » (Alain Sanders dans Présent). Cependant, dans la perspective d’une élection, le RN a besoin de poser les bases d’un compromis nationaliste au sein de la nébuleuse des extrêmes droites. Au cours de la campagne présidentielle, le racisme imprègnera les discussions, sous la polarisation par Marine Le Pen. Son argument « social » consistera à tenter de souder les salariéEs « de souche », derrière les bons investisseurs du terroir, y compris sous l’argument écologique du localisme.
Pour faire entendre nos réponses face aux crises, il faudra déjà faire taire le bruit de fond nationaliste et xénophobe. Quelle que soit l’issue de la présidentielle, une période troublée s’ouvre. Ne pas l’anticiper fragiliserait notre camp. Les défaites aux régionales et aux départementales marquent l’échec de la stratégie d’implantation du RN sans mettre un terme à sa dynamique. Mais un recul durable ne se fera que par les avancées de notre camp social. La manifestation unitaire contre la tenue du congrès du RN à Perpignan en est une première marche.