Publié le Mercredi 13 septembre 2017 à 21h38.

Austérité à l’hôpital public : chute libre annoncée

Les gouvernements qui se sont succédé depuis 10 ans n’ont pas épargné l’hôpital. Les suppressions de postes ont débuté en 2008, 1 800 cette année-là. Entre 2008 et 2013 plus de 15 000, 22 000 sous Marisol Touraine entre 2015 et 2017.

Macron prévoit 15 milliards d’économies sur le budget de la sécurité sociale durant son quinquennat : soit des dizaines de milliers de postes supprimés, mais pas seulement. On doit s’attendre à des fermetures de lits, de services, de maternités, d’hôpitaux de proximité… 

Des conditions de travail et d’accueil dégradées

En 40 ans le nombre de maternités a été divisé par trois ; en 30 ans on est passé de 3 000 points d’accueil pour les urgences pour 9 millions de passages à 690 pour 18 millions…  C’est la disparition progressive des services de proximité au profit des hôpitaux-usines, avec des conséquences dramatiques pour les patientEs et pour le personnel soignant.

Pour réaliser des économies, le gouvernement ne se contente pas de supprimer des postes et de fermer des hôpitaux : développement de l’ambulatoire (entrée le matin pour se faire opérer, sortie le soir), diminution des durées d’hospitalisation, matériel de plus en plus médiocre, restructurations permanentes des services…

Des mesures imposées par les directions des hôpitaux sans qu’une vague de colère ne naisse, grâce à des techniques de management importées de l’industrie.

Le « Lean Management » ou comment transformer l’hôpital en usine 

Le « Lean Management », né dans les années 1980 à Toyota, a été mis en place progressivement depuis une dizaine d’années dans les hôpitaux. Il s’agit de « faire participer l’ensemble des employés d’une entreprise à la lutte contre le gaspillage en chassant tout ce qui produit de la non-valeur ajoutée ». Comprenez productivité/réduction des délais et des coûts.

Chasser les temps « inutiles » : discussions informelles avec des collègues, discussions avec le patientE, avec la famille, les proches…

Chasser les temps « pas indispensables » : faire la toilette du patient tous les jours, l’accompagner aux toilettes ou à l’extérieur, etc.

Il y a donc des « spécialistes » qui viennent vous observer travailler pour proposer une meilleure gestion : « simplifier la performance pour mieux la répliquer ». Il ne s’agit plus de soigner mais de produire du soin.

Cette méthode ne répond en rien aux problématiques de l’hôpital, mais bien aux contraintes budgétaires. Elle agit à deux niveaux : le premier, purement budgétaire pour une économie réalisée immédiatement. Le second vise à déshumaniser les gens, déqualifier les soignantEs, isoler les travailleurEs les unEs des autres, les mettre en concurrence, ceux qui sont rapides, ceux qui sont lents, ceux qui arrivent à « gérer », ceux qui n’y arrivent pas…

Une technique de management pour maintenir l’ordre établi

Il s’agit de faire en sorte qu’il n’y ait plus de sens dans le travail, pour que les agents puissent se concentrer sur le fait que celui d’à côté ne le fait pas assez bien et surtout pas assez vite, où alors qu’il s’arrête trop souvent et qu’on est obligé de le remplacer…

Le « Lean Management » est aussi un harcèlement, qui fait système et qui est indispensable : modifications permanentes des plannings, enchaînement des week-ends malgré les demandes des agents, rappels pendant les repos, impossibilité de poser ses congés…

Conséquences : trop de travail, plus de sens, sale ambiance, fatigue qui à chaque instant nous fait risquer l’erreur, risque de se faire mettre au placard si on sort du lot, plus de vie privée, plus de vie de famille, culpabilisation du travail mal fait…

Cette méthode est en plein développement. Mais les conséquences qui apparaissaient au début limitées sortent désormais au grand jour : explosion des arrêts maladies, burn out, suicides… À force de tirer sur la corde : ça craque.

Combattre l’austérité et reconstruire le collectif

La destruction du collectif, c’est l’isolement des agents. C’est les convaincre que personne ne pourra rien pour eux. 

Notre rôle en tant que militantEs c’est de reconstruire ces cadres, redonner confiance aux agents dans leur force collective. 

De nombreuses luttes ont eu lieu ces derniers mois dans les hôpitaux, mais il est comme partout difficile de les coordonner, de leur donner un but commun. Tel doit être notre objectif dans les prochains mois : réussir à faire en sorte que la peur change de camp, que la santé ne soit pas sacrifiée. C’est le combat de touTEs, soignantEs et usagerEs.