Compromis de 1945, la création de la Sécurité sociale a posé le principe du remboursement à touTEs de l’ensemble des soins.
Cela a permis de passer de « l’assistance publique » assurant des soins rudimentaires aux plus pauvres à un hôpital public qui garantit à tous, gratuitement, des soins de qualité.
Un service public limité à l’hôpital
Ainsi, a pu se développer un vaste réseau d’établissements publics, allant du petit hôpital local au CHU avec un plateau technique de pointe, en passant par les centres hospitaliers de proximité ou « généraux », les établissements spécialisés en psychiatrie ou pour personnes âgées (voir encart sur les établissements de santé).
Par leurs urgences, toujours plus sollicitées, les établissements hospitaliers garantissent également l’accès sans délais à des soins gratuits, de proximité et de qualité.
Mais, sous la pression d’un puissant lobby médical, les soins hors hôpital, « en ville », sont restés très largement dominés par les médecins et professionnels libéraux. Et les éléments de service public existant hors des établissements hospitaliers sont limités : dispensaires ou centres de santé dans certaines communes, PMI pour la petite enfance...
Seule la psychiatrie publique fait exception. À partir de 1960, sous le nom de « psychiatrie de secteur », une réponse publique globale s’y est organisée. Elle met à la disposition d’un « secteur » de la population (60 000 habitantEs) une seule et même équipe de soins travaillant à la fois dans et hors l’hôpital (centres médico-psychologiques, hôpitaux de jour, visites à domicile...). Mais ce modèle est en cours de démantèlement.
Médecine libérale et financement socialisé
La coexistence d’une médecine libérale très majoritaire et d’un financement socialisé n’a cessé d’être conflictuel.
C’est avec beaucoup de réticences que les médecins libéraux ont fini par accepter (en 1960 !) le « conventionnement » avec la Sécurité sociale, pour eux synonyme de tutelle « étatique ». Ils ont continué à défendre avec acharnement la « liberté d’installation », pourtant synonyme de répartition inégalitaire des médecins sur le territoire, de « déserts médicaux », et la liberté tarifaire. Les dépassements d’honoraires sont pourtant une cause essentielle de renoncement aux soins, en particulier chez les spécialistes.
Enfin ils ont tout fait pour bloquer l’application du tiers-payant timidement instauré par Touraine.
Les chemins de la privatisation
L’offensive de privatisation, menée avec constance par les différents gouvernements, notamment les lois Bachelot (2009) et Touraine (2015), poursuit un double objectif.
D’un côté, elle diminue la place du financement public et socialisé (la Sécurité sociale) pour les soins de ville. Ainsi, l’assurance maladie n’en rembourse plus aujourd’hui que 54 %...
De l’autre, les missions et les moyens de l’hôpital public sont eux aussi en constante réduction : restructurations et regroupements au sein de Groupements hospitaliers de territoires, fermeture d’établissements de proximité, en particulier des services d’urgence. Sous la houlette des assurances privées et des mutuelles, se prépare la mise en place de réseaux de soins concurrentiels pour les soins hors hôpital.
À l’inverse, la perspective que nous défendons est le renforcement et l’extension du service public, en confortant la place et les financements de l’hôpital public, et en développant un service public de santé hors de l’hôpital, financés à 100 % par la Sécurité sociale.
J.C. Delavigne
Publics et privés : les établissements de santé
En France, il existe trois catégories d’établissements de santé.
Les hôpitaux publics restent le pivot du système de soins. Ils totalisent 62 % des lits d’hospitalisation à temps plein et 57 % des places d’hospitalisation à temps partiel. Ils forment un réseau très large, allant des hôpitaux locaux et des centres hospitaliers de proximité aux CHU, en passant par les établissements de psychiatrie publique, les établissements pour personnes âgées dépendantes (EPHAD) publiques. Leur personnel médical et non médical a un statut public (mais la précarité – les contractuels – s’y est beaucoup développée). Si les missions et l’activité de l’hôpital public ne cessent d’augmenter, ses moyens régressent : leur part dans les dépenses de santé, qui était de 43 % en 1983, n’était plus en 2010 que de 36 %...
Les établissements privés à but « non lucratif », auxquels appartiennent notamment les centre de lutte contre le cancer, détiennent 14 % des lits d’hospitalisation à temps plein et 18 % des places à temps partiel. Leur statut est associatif ou mutualiste. Ces établissements n’ont pas d’actionnaires. Leur personnel relève de conventions collectives.
Les établissements privés « à but lucratif » (23 % des lits d’hospitalisation, 24 % des places) sont des établissements commerciaux. Ainsi les cliniques privées, qui versent des dividendes à leurs actionnaires. Leur personnel est libéral ou relève de conventions collectives. Autrefois propriétés des médecins et chirurgiens qui y intervenaient, les établissements commerciaux appartiennent à de grands groupes. Ils concentrent leur activité sur les actes les plus rentables (actes chirurgicaux bénins), laissant les actes les plus lourds et non rentables aux hôpitaux publics.