Rencontrant la ministre du Travail vendredi 17 juin, Martinez a joué ce qu’il considère être son rôle de syndicaliste : faire des « propositions » au gouvernement et aux parlementaires. Ce faisant, il agissait comme représentant de l’appareil de la CGT, interlocuteur du gouvernement, non en tant que porte-parole d’un mouvement qui se fixe, lui, l’objectif d’imposer le retrait pur et simple de la loi...
C’est bien pourquoi ce dernier a depuis le début pris une dimension politique.
Des premiers pas très politiques
Et cela dès ses premiers pas quand la mobilisation de la jeunesse combinée à la pétition lancée par Caroline De Haas a bousculé le calendrier du dialogue social. La jeunesse a rythmé le début de la mobilisation, débordant l’intersyndicale. Les organisations de jeunesse, réunies à l’initiative des secteurs les plus militants et combatifs, ont appelé à bloquer facs et lycées et à manifester le 9 mars, jour où la loi devait être présentée au conseil des ministres.
Les premières manifestations de jeunes et de très jeunes ont donné l’impulsion, engageant la lutte sur un terrain qui rompait avec la routine des journées d’action. Dans la foulée, Nuit debout a contribué à la politisation en portant le débat au niveau de la contestation globale du système.
Ses adversaires le politisent
C’est bien le gouvernement qui a été le principal facteur de politisation, montrant la vanité de leur démocratie parlementaire par son recours au 49-3, et situant la confrontation comme un affrontement direct avec l’État et sa police.
La question sociale s’est imposée comme la question politique déterminante au regard de laquelle le PS a été disqualifié, comme l’ensemble du personnel politique de la bourgeoisie. Ils ont tous affiché la même hargne anti-ouvrière et antidémocratique, leur différence se résumant à des surenchères.
La lutte a jeté un éclairage nouveau sur le « monde » de la loi travail. Des centaines de milliers de jeunes s’éveillant à la lutte de classe ont fait l’expérience de la violence d’État ainsi que les salariés, syndicalistes ou non, dont certains participent à leurs premières manifestations, leurs premières grèves.
Elle a ainsi posé à un large niveau la question de fond, celle de la séparation avec l’État du Medef !
Faire notre politique
La classe ouvrière a commencé à se réapproprier le terrain politique. À travers le mouvement, elle pose ses revendications parfois sur des revendications spécifiques ou directement contre la loi travail : autant de jalons vers la généralisation de la grève qui ne peut se faire par en haut, par l’incantation, mais bien par la politisation des luttes qui accompagnent leur convergence pour déboucher sur l’affrontement avec l’État.
Cette politisation, c’est la transformation des consciences de la minorité qui s’est engagée dans la bataille. Elle s’est aussi exprimée dans la volonté de « démissionner » Valls et son gouvernement, exigence qui pose bien plus de problèmes qu’elle n’en résout. Il ne suffit pas de changer de gouvernement pour imposer la séparation du Medef et de l’État impossible dans le cadre du système. Pas plus qu’il ne suffit de voter pour faire barrage à la montée de la droite et de l’extrême droite. Dégager les enseignements du mouvement jusqu’au bout, c’est prendre conscience que tout dépend de l’intervention directe des travailleurs, de la jeunesse.
Toutes les grandes questions sont à nouveau mises sur le tapis : l’État, l’organisation de la société, la propriété privée capitaliste, comment changer le monde… Les réponses passent toutes par la prise en main de leurs propres affaires par les exploitéEs et les oppriméEs eux-mêmes faisant leur propre politique contre les classes dominantes et leur État.
Yvan Lemaitre