Publié le Mercredi 25 novembre 2020 à 11h17.

Où en est la classe ouvrière ?

Il est de bon ton pour les politologues habitués des principaux médias d’enregistrer une prétendue disparition de la classe ouvrière, noyée dans les classes moyennes, intermédiaires tandis que, pourtant, elle connaît un développement inédit à l’échelle internationale. En Chine, en Inde et dans nombre de pays du « sud », la classe ouvrière se renforce numériquement et, malgré les difficultés et la répression, les travailleurEs chinois, usine par usine, ont pu imposer des augmentations de salaire et quelques améliorations (limitées) des conditions de travail.

Invisibilisation ou disparition ?

Dans les pays capitalistes « avancés », dès le milieu des années 1960, la disparition de la classe ouvrière, du prolétariat, ou à tout le moins son rétrécissement, sont envisagés par des sociologues grisés par le développement de l’automatisation supposée mettre fin au taylorisme, au profit de couches techniciennes libérées de la division du travail.
Des idées reprises dans les concepts d’enrichissement des tâches et que l’on retrouve aujourd’hui à l’ère de la numérisation, de l’informatisation des activités économiques. De la même façon, le succès des Adieux au prolétariat (Gorz 1980) ou de la Fin du travail (Rifkin 1995) vont participer de ces tentatives d’invisibilisation de ce qui reste le plus important groupe social.

Mais plus redoutable sera l’offensive entamée au milieu des années 1970 de déstabilisation, de fracturation de la classe ouvrière, visant à la rendre incapable de riposter aux attaques dont elle est la cible sur fond de développement du chômage de masse. La mutation accélérée de l’appareil de production (externalisations, délocalisations, réduction de la taille des établissements) et des processus de production, avec notamment le développement de l’informatisation, vont conduire à une déstructuration du « cœur » de la classe ouvrière. Enfin la disparition des pays du prétendu « socialisme réellement existant » va valider le « no alternative ». C’est l’heure où un Sarkozy peut fanfaronner : « Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit ». L’invisibilisation s’aggrave, les représentations syndicales, politiques, culturelles s’affaiblissent voire disparaissent : 4,6 % des députéEs sont employés, aucun n’est ouvrier…

Un rôle essentiel dans les confrontations

Avec la succession des crises économiques et depuis bientôt une année de gestion capitaliste de la pandémie Covid-19, les difficultés se multiplient : isolement des salariéEs en particulier lié au développement du télétravail, aggravation des conditions de travail, crainte augmentée du chômage, sans parler des dégâts psychologiques engendrés par la situation, politique répressive d’un pouvoir totalement décrédibilisé. Un climat qui favorise les tentatives de récupération et de dévoiement de la colère des travailleurEs comme en témoignent aussi bien Trump aux USA que le RN en France. Dans ces conditions, il n’est pas sûr que les salariéEs de Bridgestone reprennent le flambeau des « Lip » dont la lutte reste exemplaire près de 50 ans plus tard...

Le constat est néanmoins sans appel : c’est une large majorité de la population active qui relève du prolétariat. Et qui donc joue, est appelée à jouer, un rôle essentiel dans les confrontations partielles ou plus générales contre le patronat, la bourgeoisie et l’appareil d’État à leur service. Et la lumière ne viendra ni de Mélenchon ni plus généralement de l’arène électorale mais du redéploiement, de l’amplification de mobilisations dans lesquelles la classe ouvrière devra prendre toute sa place. Autant de raisons qui justifient le modeste inventaire présenté dans ce dossier. Pour analyser, comprendre, préparer, organiser les ripostes.

Note : on pourra utilement compléter de ce dossier en (re)visionnant le documentaire : Le temps des ouvriers, ARTE boutique, DVD ou https://youtu.be/V8ZAE8R….