Contraints par la crise économique qu’a fait éclater l’épidémie de Covid-19 – ou la mettant à profit – les grands groupes capitalistes lancent les uns après les autres leur restructuration. Ils peuvent pour cela s’appuyer sur les nombreux dispositifs créés ou assouplis par les ordonnances Macron et la loi travail. Quand il s’agit de supprimer des emplois, l’imagination est bel et bien au pouvoir ! Tour d’horizon.
Les licenciements économiques représentent une part toujours plus marginale des suppressions d’emplois. Mais les employeurs n’ont parfois d’autre choix que d’y avoir recours, notamment lorsqu’ils font face à des équipes syndicales déterminées. Hollande puis Macron se sont donc attelés à les « sécuriser ». Une simple baisse du chiffre d’affaires, des commandes ou de la trésorerie suffit aujourd’hui à justifier un licenciement économique, même si l’entreprise est bénéficiaire. L’obligation de recherche d’un reclassement a été considérablement allégée, et peut se limiter à l’envoi de la liste des postes disponibles dans le groupe aux salariéEs visés.
Suppressions d’emplois sans motif économique
Les patrons sont donc désormais en grande partie prémunis contre les recours pour licenciement abusif et n’auront plus à affronter les conséquences financières et politiques de décisions de justice comme celles rendues pour les Conti ou les Goodyear. Le risque juridique zéro n’existe toutefois pas, et les entreprises mobilisent donc de façon croissante des dispositifs « de gré à gré ». C’est notamment le cas des plans de départ volontaires créés par la jurisprudence et des ruptures conventionnelles collectives, introduites récemment dans le code du travail. Ces dernières autorisent, à condition de conclure un accord avec les syndicats de l’entreprise, de procéder à des suppressions d’emplois sans avoir à justifier d’un motif économique ou à faire semblant de rechercher un reclassement. Les risques d’annulation en justice sont donc nuls.
Last but not least, les accords de performance collective (APC) légalisent le chantage à l’emploi. Ils permettent d’imposer aux salariés une augmentation du temps de travail et/ou une réduction de leur rémunération. L’accord n’a pas à être justifié par des difficultés économiques et peut être conclu pour « répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise », c’est-à-dire pour tout et n’importe quoi ! Les salariéEs qui en refusent l’application sont automatiquement licenciés, et ce licenciement est incontestable. La nécessaire conclusion d’un accord est une protection toute relative. D’une part les syndicats jaunes ou gagnés à l’idée du dialogue social sont majoritaires dans un grand nombre d’entreprises. D’autre part, face à un syndicat combatif, l’employeur a la possibilité de faire approuver l’accord par référendum, en utilisant toute une palette de pressions individuelles.
Un arsenal dans lequel piocher
Peu utilisé à sa création en 2017, le dispositif est désormais plébiscité par le patronat, notamment dans le secteur aéronautique. Au point que le gouvernement a dû dénoncer hypocritement son utilisation par RyanAir, qui proposait toute honte bue au personnel de choisir entre une diminution de salaire de 10 à 20 % et la suppression d’un quart des emplois. La compagnie britannique n’a pourtant fait qu’utiliser les armes mises à sa disposition… C’était bien le sens profond de la loi travail et des ordonnances Macron : fournir aux capitalistes un arsenal dans lequel ils pourraient piocher sur le long terme et modifier ainsi les conditions dans lesquelles allaient se dérouler les bagarres futures.
Les restructurations menées par le biais de ces dispositifs focalisent à juste titre l’attention par leur effet dramatique sur la vie de centaines de travailleurEs, mais la majorité des suppressions d’emplois s’opèrent désormais par des mesures individuelles : licenciements pour faute ou rupture conventionnelle, non-renouvellement de CDD ou de mission d’intérim. Le combat contre les licenciements et pour leur interdiction doit donc s’articuler avec la revendication d’un salaire garanti, financé par les capitalistes via les cotisations sociales.