En France, la grande majorité des contrats liant les salariés à leurs employeurs sont des contrats à durée indéterminée (CDI). Ainsi, parmi les salariés du privé, 85% ont un CDI. Cette proportion est relativement constante ces dernières années. Mais quelles garanties offre réellement le CDI ? Correspond-t-il vraiment à un emploi, stable, durable et mettant à l'abri du chômage... ? Pas vraiment.
D'abord parce qu’il est fragile : un tiers de ces contrats sont rompus dans la première année. L'idée qu'il serait impossible, ou à tout le moins extrêmement difficile, de rompre un CDI, est une idée reçue, répandue principalement par les organisations patronales à grand renfort de pression politique pour obtenir des assouplissements de la législation sur le licenciement, prétendant que cela permettra enfin aux employeurs d'embaucher. Cette petite musique a fonctionné à plein régime, jusqu'à ce qu'enfin satisfaction soit obtenue pour les patrons avec les ordonnances Macron de septembre 2017. Elles ont mis en place un plafonnement des indemnités accordées aux prud'hommes en cas de licenciement abusif, appelé aussi « barème Macron ». Si le licenciement est considéré comme injustifié, le ou la salariée recevra une indemnité qui ne peut dépasser un certain plafond selon sa situation. Par exemple, 3,5 mois de salaire maximum pour un licenciement après deux ans dans la même entreprise de moins de 11 salariéEs. Cela permet donc aux employeurs de budgéter la rupture d'un CDI, même lorsque celle-ci est totalement injustifiée. Et, de fait, ça a marché, les contestations aux prud'hommes des licenciements ayant déjà fortement décru.
Un CDI, des CDI…
Avant les ordonnances Macron, la France était déjà considérée par l'OCDE comme un pays peu « rigide » en matière de licenciement, par rapport à l'Allemagne notamment, dont la réglementation prévoit des règles de procédure plus strictes pour rompre un CDI. L’hexagone était ainsi en 13e position, proche de la moyenne de l'OCDE, dans le classement mesurant les coûts et les procédures liés aux licenciements de salariéEs en contrat à durée indéterminée.
Au total donc, un CDI n'est pas un statut privilégié d’ « insider », et n’offre qu’une protection relative face au licenciement et au chômage.
D’autre part, se développent des formes de contrat qui n'offrent au salarié du CDI que le nom. Ainsi, récemment, le CDI intérimaire (CDII) a été officialisé. On peut désormais faire de l'intérim toute sa vie, sans jamais intégrer les entreprises dans lesquelles on produit de la valeur, mais en étant en CDI. Sauf que du coup, on y perd en salaire, puisqu'on a plus accès aux primes de précarité. Ce qui fait qu’à l’arrivée, les grands gagnants du CDII, ce ne sont pas les intérimaires mais leurs patrons, les agences d'intérim. En juillet 2019, plus de 40 000 salariéEs travaillaient sous ce statut, soit une augmentation régulière et continue, d’en moyenne 50 % chaque année depuis ses débuts en 2015. Se développe également le recours aux CDI conclus avec des groupements d'employeurs. Ceci permet aux grandes entreprises de ne pas embaucher directement et d'avoir à disposition un volant d'ouvrierEs et employéEs en contrat avec un groupement.
Dans tous ces cas, les salariéEs sont en CDI mais n'ont pas accès aux mêmes conventions collectives que les embauchés en direct, n'ont pas non plus accès aux œuvres sociales des salariés avec qui ils travaillent pourtant au quotidien, et ont bien souvent des conditions de travail plus difficiles (horaires décalés, plannings changeants, etc).
Autant de raisons de s’organiser et de lutter ensemble, de revendiquer les mêmes droits par-delà les catégories juridiques créées par et pour le patronat !