Publié le Lundi 13 juin 2016 à 09h01.

« À bas l’État policier ! »

La répression du mouvement social depuis deux mois, les brutalités policières systématiques dans les manifestations, les comparutions immédiates et leurs lots de mises en examen, et mises en détention, ne doivent rien au hasard ni à des dérapages des corps de répression...

Auxiliaires indispensables à l’exercice du pouvoir, l’appareil répressif de l’État – constitué de la police, la justice et l’administration pénitentiaire, et l’armée – ont toujours été les ennemis de la classe ouvrière et des révolutionnaires.

« En dernière instance, l’État est une bande d’hommes armés »

Cette définition lapidaire d’Engels reste d’actualité, même si le capitalisme en un siècle et demi a considérablement amélioré et organisé son système d’aliénation idéologique lui permettant de n’être pas systématiquement obligé de recourir à la force pour assurer l’ordre. Mais lorsque le cirque électoral ou les grandes messes sportives mondialement médiatisées ne permettent plus d’assurer l’ordre social, c’est-à-dire l’exploitation capitaliste, les gérants du pouvoir, de « gauche » comme de droite, peuvent en toutes circonstances compter sur l’appareil répressif de l’État. La meilleure illustration nous en est encore donnée cette semaine par François Hollande qui menace presque ouvertement les grévistes des transports s’ils venaient troubler l’Euro de football.

Ainsi, l’État ne manque jamais une occasion pour renforcer son appareil répressif. Après les attentats de Charlie hebdo et du Bataclan, les corps répressifs, à grand renforts publicitaires, ont organisé des campagnes de recrutement dans la police, la gendarmerie, l’armée de terre et l’armée de l’air. Profitant du chômage et de l’incertitude professionnelle de nombreux jeunes, ces campagnes semblent avoir connu un réel succès.

Pourtant, confronté à la violence exercée par l’appareil répressif de l’État, le mouvement social a su en quelques jours désigner son ennemi, rompre avec la peur de la répression, organiser l’auto-défense de ses manifestations, et rompre massivement avec le légalisme en bloquant des raffineries, en occupant des places... Le chemin reste encore long pour que ce mouvement permette de poser à une échelle de masse la question centrale de la nécessité de casser l’appareil répressif.

Les réformistes, leurs illusions... et leur répression !

Fidèles gestionnaires de l’État bourgeois lorsqu’ils sont au pouvoir, les réformistes endossent sans état d’âme les habits de père fouettard des pires despotes de droite, n’hésitant pas à mettre en place des lois liberticides (telle aujourd’hui l’application à répétition de l’état d’urgence ou la loi Urvoas) et organiser la répression la plus féroce.

Jules Moch, ministre socialiste de l’Intérieur, envoya en novembre 1948 60 000 CRS contre 15 000 mineurs grévistes retranchés dans les puits, faisant ainsi 6 morts et de nombreux blessés... suivis par 3 000 licenciements pour « fait de grève ». Ministre de la Justice puis de l’Intérieur du gouvernement Guy Mollet, François Mitterrand refusa pendant la guerre colonialiste en Algérie de gracier 45 nationalistes algériens qui furent alors guillotinés. Il en fît de même pour Fernand Iveton, ouvrier militant de la CGT et du PCF, soutien du FLN dont il refusera la grâce et qui sera donc guillotiné le 11 février 1957...

De profondes illusions persistent sur une prétendue indépendance de la justice. Ce corps répressif censé arbitrer les « différends entre citoyens » applique pourtant une justice de classe qui envoie chaque jour en prison les habitantEs des quartiers populaires, les pauvres, les exclus, les sans-papiers, les rebelles à l’ordre établi. C’est pourtant elle qui fait souvent preuve d’une grande mansuétude envers les délinquants en col blanc... Qu’ils soient procureurs, substituts, juges ou avocats, ses acteurs sont souvent issus pour la plupart de la même classe sociale... et assurent la défense de ses privilèges.

Réel instrument de domination sociale et de répression, il faut dénoncer les illusions sur la neutralité et la légitimité de l’État, et profiter de chaque moment où le mouvement social est à l’offensive pour en dénoncer le caractère de classe et chercher à l’affaiblir.

Alain Pojolat