Publié le Mercredi 6 janvier 2021 à 10h36.

Poursuivre et amplifier la mobilisation contre les lois liberticides

Le 3 janvier, à Paris, une marche était organisée à l’occasion du premier anniversaire de la mort de Cédric Chouviat entre les mains des forces de répression. Un moment de recueillement et de lutte, qui ouvre un mois de janvier durant lequel deux dates importantes sont posées pour se mobiliser contre les lois liberticides : les 16 et 30 janvier.

Dans un appel daté du 23 décembre, la coordination #StopLoiSécuritéGlobale, qui regroupe syndicats, sociétés, collectifs et associations de journalistes et de réalisateurEs, confédérations syndicales, associations, organisations de défense de droits humains, comités de victimes et de familles de victimes de violences policières, collectifs de quartiers populaires, exiléEs et Gilets jaunes, déclarait : « Malgré une mobilisation de très grande ampleur (500 000 manifestantEs en France, le 28 novembre), déployée dans un contexte d’état d’urgence sanitaire et de confinement, le gouvernement et les parlementaires se sont contentés d’effets d’annonce s’agissant de la réécriture de l’article 24 de la proposition de loi "Sécurité globale". Texte que le Sénat semble vouloir fusionner avec l’article 18 du projet de loi "confortant les principes républicains", précédemment nommée "contre le séparatisme". Ni la commission Delarue sur les rapports entre journalistes et forces de l’ordre ni le "Beauvau de la sécurité"ne sauront nous détourner de notre objectif. » Deux rendez-vous sont ainsi donnés : de nouvelles Marches des libertés, samedi 16 janvier, partout en France, avant un grand rassemblement, samedi 30 janvier, à Paris.

Répression et fichage

Des initiatives salutaires et à construire, dans la mesure où la marche autoritaire du gouvernement Macron est loin de s’être interrompue. Bien au contraire. Au cours des dernières semaines, on a ainsi pu assister à la répression violente de manifestations – notamment celles des 5 et 12 décembre à Paris –, mais aussi à la publication de décrets renforçant encore un peu plus la surveillance et le contrôle politiques. Datés du 4 décembre, ces décrets ont été validés par le Conseil d’État le 4 janvier, malgré les requêtes de plusieurs syndicats (CGT, FO, FSU, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature) et d’associations de défense des droits humains. Ils autorisent les forces de l’ordre à ficher les « opinions politiques », les « convictions philosophiques et religieuses » et « l’appartenance syndicale » avant le recrutement de fonctionnaires sur des postes sensibles (cela alors que les précédents textes se limitaient à recenser leurs « activités »). Identifiants, photos et commentaires sur les réseaux sociaux, troubles psychiatriques, seront aussi inscrits...

Les personnes morales – donc les associations, syndicats, partis – sont ­également dans le collimateur.

Ces informations sont désormais consignées dans trois fichiers : le « fichier de prévention des atteintes à la sécurité publique » utilisé par la police (et qui recense à cette heure 60 000 personnes), le fichier « Gestion de l’information et prévention des atteintes à la sécurité publique » employé par la gendarmerie (67 000 personnes) et le fichier « Enquêtes administratives liées à la sécurité publique » de l’administration (221 000 personnes), selon les informations mêmes du ministère de l’Intérieur… Que l’on se rassure, ces fichiers consigneront les données de personnes dont les activités sont « susceptibles de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation », « à l’intégrité du territoire ou des institutions de la République » ou de constituer une « menace terroriste »... Des caractérisations fourre-tout qui, sans nul doute, peuvent permettre à l’avenir de s’attaquer à un large secteur contestataire ou tout ­simplement militant.

« C’est bel et bien de répression politique dont il s’agit »

Autant de raisons supplémentaires de se mobiliser contre le cours autoritaire du pouvoir, incarné notamment dans les lois « sécurité globale » et « séparatisme », contre lesquelles des centaines de milliers de personnes ont manifesté, dans près de 150 villes, au mois de décembre. Un cours autoritaire qui a même conduit, ces dernières semaines, plusieurs institutions de la démocratie bourgeoise, notamment le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel, à taper sur les doigts des autorités. Cela a notamment été le cas le 22 décembre avec une décision du Conseil d’État concernant l’utilisation, à Paris, de drones pour surveiller les manifestations, avec une décision sans ambiguïté, enjoignant le préfet Lallement à « cesser, sans délai, de procéder aux mesures de surveillance par drone des rassemblements de personnes sur la voie publique. »

Une victoire symbolique et un point d’appui qui ne saurait toutefois se substituer à la construction d’un vaste mouvement contre les politiques liberticides du gouvernement. Dans le contexte de l’état d’urgence sanitaire, le pouvoir espérait peut-être faire passer sa loi « sécurité globale » en douce, sans avoir à affronter de mobilisation. Ce n’est pas le cas, et nous pouvons nous en réjouir ! Il s’agit désormais d’amplifier ce rapport de forces, en exigeant le retrait total de la loi « sécurité globale » et de la loi « séparatisme », qui sont les deux faces d’une même politique liberticide dont l’objectif est de faire taire toute critique de leur « ordre républicain » et de leur faillite dans la gestion de la crise sanitaire.

Comme l’ont affirmé plusieurs militantEs, dont Geneviève Legay, dans une tribune publiée le 5 ­janvier sur Mediapart : « Face aux perquisitions politiques, aux arrestations sans fondement, à toutes les tentatives de diabolisation des personnes qui ont le tort d’exercer leur droit à la critique et à la manifestation, notre solidarité, et notre cohésion, ne fléchiront pas ; les libertés n’existent plus quand un État prétend choisir ses opposantEs. Nous ne sommes pas dupes : c’est bel et bien de répression politique dont il s’agit. Mais nous ne céderons ni à la peur ni au chantage. » Prochains rendez-vous les 16 et 30 janvier.