Publié le Mercredi 6 juillet 2011 à 12h09.

Répression brutale en Val Susa : le mouvement NO TAV ne cède pas

La résistance des vallées piémontaises n'est pas née d'hier : dans cette zone aux enjeux stratégiques et économiques majeurs, qui a subi toutes sortes de grandes œuvres, cela fait vingt ans que régulièrement, des comités occupent des chantiers, forment des chaines humaines, dorment dans le froid par familles entières pour empêcher d'énièmes travaux. Au cours des dix dernières années, il y a eu une dizaine de grandes manifestations contre la TAV Lyon-Turin, dont une, en 2010, en dessous de 0°... Les comités sont formés d'habitants quelconques, de jeunes étudiants mais aussi d'anciens «Partigiani» : la résistance dans les montagnes, ça les connaît.

Pour cette manifestation nationale contre le début de travaux, les comités avaient organisé quatre départs différents, de divers villages des vallées : Exilles, Chiomonte, Ramats et Giaglione. Le propos est clair : la TAV est une œuvre dangereuse pour l'environnement et la santé, catastrophique sur le plan économique et inutile d'un point de vue économique (1) alors qu'elle vole des ressources qu'on pourrait employer pour l'instruction, la santé, l'emploi. Pour exprimer tout cela, les comités veulent encercler la zone (rouge) du chantier : faire pression, s'approcher des grilles mais pas occuper. Non que les comités soient toujours contre, mais ce n'est pas le but cette fois.

70 000 Val Susins selon les organisateurs (7 000 selon la police), dont 23 maires des communes des vallées et des milliers d'étudiants, travailleurs, venus en solidarité se sont retrouvés au points de départ le matin du 3 juillet. En face, plus de 2500 policiers, des hélicoptères, des blindés. Une fois la manifestation arrivée devant le chantier, la répression se déchaîne : grilles défoncées avec les pelles mécaniques des chantiers pour mieux pouvoir utiliser les jets d'eau, du gaz CS (utilisé lors des manifestations de Gênes, qui fait partie des armes chimiques officiellement interdites en zone de guerre), tir de gaz lacrymogènes à hauteur d'homme, attaque sur des manifestants immobiles et sans aucune protection, police qui jette des objets sur les manifestants depuis les ponts et fait le tour des hôpitaux pendant la journée et la nuit pour arrêter les manifestants – compensés, heureusement, par les dizaines de médecins et d'infirmiers volontaires dans la manifestation pour soigner les blessés.

Cela ne vous rappelle rien ? Le parallèle avec le G8 de 2001, au moment où les mouvements italiens préparent les manifestations à l'occasion des dix ans, est presque inévitable, et le nom de Gênes est sur toutes les lèvres. Et comme à Gênes , la répression est organisée par un ministre de l'Intérieur de la Lega Nord, R. Maroni avec l'appui du tout nouveau maire de Turin, P. Fassino, dirigeant du PD. Tous deux justifient la violence de la police, sans ambiguïtés, et accusent les manifestants. (3)

Le lendemain, dans les journaux, le scénario prévu continue : il y a des citoyens pacifiques (que de toutes façon on n'écoutera pas) et des hordes de méchants black bocks (2) venues de l'étranger pour dévaster le chantier et «provoquer une victime». Comme après Gênes, tout est fait pour diviser le mouvement. Même N. Vendola (SEL) ne manque pas à l'appel : «Il faut absolument isoler les violences. Elles masquent les raisons de la protestation. Mais manifester son opposition est légitime, même pour un parti comme SEL, qui a la non-violence dans les gènes.»

Pourquoi ? «Ils ont fait ça parce qu'ils ne peuvent pas accepter que toute une population, des jeunes et vieux, ait décidé de résister, comme c'est en train de se passer dans le monde entier» déclarent les comités. Comme à Gênes : on ne peut pas se permettre de montrer une telle résistance, déterminée et victorieuse, il vaut mieux attaquer. Mais la résistance de cède pas, ni à la violence ni au chantage. «On a gagné. On les a encerclés. On s'est approché de la forteresse, on a réussi à démanteler certaines grilles, et à repartir. C'était les objectifs de la journée et ça a marché. Ils sauront que ça ne s'arrêtera pas, qu'ils subiront des actions moins importantes mais continues», déclare le soir même Alberto Perino, du mouvement NO TAV. Le mouvement ne se laisse pas diviser : «solidarité totale avec tous les arrêtés. Notre but était d'assiéger le chantier, même si personne n'était venu de l'extérieur des vallées, la journée aurait été la même. C'est la police qui est responsable des violences, les manifestants n'ont fait que se défendre.»

Et maintenant ?

Le lieu d'où se tient la conférence de presse des comités le 5 juillet deviendra une nouvelle occupation permanente, qui se transformera en camping de débats et de résistance du 10 au 30 juillet ; le message est clair : «assumer nos responsabilités, maintenant, ça signifie continuer». c'est aussi une responsabilité pour le reste du mouvement, qui ne doit pas laisser que les Val Susins soient isolés. Comme l'a dit Gigi Richetto, de l'aile catholique du comité No TAV : «Ils savent que faire céder la Val di Susa, c'est soumettent toute l'Italie».

Brune Seban, Sinistra Critica Rome

Vidéos :

Chronique de la journée de lutte : www.infoaut.org/blog/pri…

Quelques exactions des policiers www.youtube.com/watch?v=…

Conférence de presse des comités : www.youtube.com/watch?v=… et suivantes)

Un comité avec quelques articles en français : www.notavtorino.org

Notes

1. Le coût officiel est de au moins 17 miliards, le prix des grandes œuvres tend à augmenter (jusqu'à x4 dans l'histoire cette fois-ci x 2 dans la meilleure des hypothèses) le but est d'intercepter les financements européens, pour 80 km, soit 212 millions d'euros par km... ( voir le rapport de Christian Brossie, du conseil Général des Ponts et Chaussées, rendue publique en mai 1998, ou l'audit du Conseil Général des Ponts et Chaussées de 2003)

2. R. Maroni déclarera “il faut les accuser de tentatives d'homicide” des actes de “terrorisme” les forces de l'ordre se sont comportés “de façon exemplaire et sans excès”. P. Fassino n'est pas plus ambigu : “Si le bilan n'est pas plus grave, c'est grâce à la sagesse et la modération des forces de police, qui se sont limités à contraster l'agression et l'assaut de ceux qui avec des barres de fer, des pierres et des bâtons ont dévasté le chantier et la zone de la communication. Tout ceci est inacceptable. La TAV est une œuvre utile au développement de l'Italie et du Piémont. Rien ne justifie ce qui s'est passé hier. La réalisation de la TAV continue, c'est tout.”

3. Les comitès préciseront que Lundi 27 juin, le chantier de la ligne TAV (Treno alta velocità) de Maddalena di Chiomonte, occupé depuis un mois par les comités “No TAV” de la région avait été évacué très brutalement, d'où l'appel à une manifestation nationale de solidarité le 3 juillet, et les mesures de précaution conseillèes par les comités eux memes : apportez de l'eau en grande quantité, de bonnes chaussures, des casques et masques à gaz... Pratique, ensuite, d'identifier les manifestants comme des black blocks.