CertainEs de nos lecteurEs connaissent cette expression du début de la Première Guerre mondiale, en 1914, lorsque des soldats français, auxquels on bourrait le crâne, sont partis persuadés qu’ils allaient rapidement gagner la guerre contre l’Allemagne. La suite, on la connait. À entendre les commentaires triomphants du gouvernement sur les chiffres de la croissance et du chômage, l’expression vient à l’esprit.
Avec + 7 %, la croissance du PIB français a fortement rebondi en 2021 selon les chiffres publiés par l’Insee. Ce chiffre (qui vient après une baisse de 8 % en 2020) est nettement supérieur aux prévisions, et à la performance de plusieurs pays voisins.
La croissance s’est logiquement accompagnée d’une baisse du chômage. Le nombre de demandeurEs d’emploi inscrits à Pôle emploi a reculé de 12,5 % sur un an pour la catégorie A, celle qui regroupe les chômeurEs n’ayant pas du tout travaillé. Ceci dit, le chômage de masse persiste : il y avait, fin 2021, 3,3 millions de chômeurEs en catégorie A et, au total, 5,6 millions pour les catégories A, B et C. Les catégories B et C incluent les personnes qui sont inscrites à Pôle emploi tout en occupant des emplois précaires et sont donc à la recherche d’autre chose. En fait, le nombre de chômeurEs en catégories B et C a augmenté sur un an de 5,9 %. Donc, le bilan de l’année 2021 pourrait être résumé ainsi : moins de chômeurEs totalement sans emploi, plus de chômeurEs avec des emplois précaires.
Derrière ces résultats, il y a d’abord l’intervention massive de l’État au secours des entreprises, qui a en quelque sorte garanti les profits de bon nombre d’entre elles. Comme l’écrit, le journaliste de Mediapart Romaric Godin : « Il eût ainsi été étonnant et en réalité impossible qu’une économie qui a été soutenue à un tel niveau (près de 400 milliards d’euros en additionnant les aides de l’État et de la Sécurité sociale) ne rebondisse pas vigoureusement et ne finisse pas par créer des emplois. »
L’avenir est incertain pour cette croissance largement assise sur l’argent public. Des mesures d’austérité s’annoncent pour après la présidentielle. Le FMI vient d’ailleurs d’appeler la France à baisser rapidement ses dépenses publiques.
Pour les travailleurEs, rien de bon ne s’annonce, les entreprises vont vouloir compenser la réduction du soutien public en étant encore plus dures sur les salaires ou (pour celles qui le peuvent) en augmentant leurs prix, ce qui a déjà, cumulé avec les hausses de l’énergie, commencé à peser sur le pouvoir d’achat des salaires et retraites.
Plus profondément, cette croissance ressuscite le « monde d’avant », ses inégalités, le démantèlement des services publics, le cynisme des actionnaires et… l’aveuglement devant la crise écologique (au-delà des mesures cosmétiques). Alors, oui, plus que jamais, il faut changer de système et, croissance ou pas, se préparer à des luttes difficiles.