À l’inverse des politiques austéritaires menées en Europe, il est nécessaire d’augmenter les salaires pour vivre correctement et financer la protection sociale. La dette illégitime doit être annulée, les banques et assurances qui ont spéculé doivent être expropriées. Pour cela, il faut bien sûr inverser le rapport de forces, organiser les luttes à l’échelle européenne et mettre en place un gouvernement des peuples en Europe.Un « pacte budgétaire » combiné à une union bancaire dans le cadre d’une union politique fédérale dont le seul ciment serait financier, la dette, les « eurobonds », le Fonds européen de stabilisation financière (FESF) auquel succède mi-juillet le Mécanisme européen de stabilité (MES), le tout supervisé par la BCE, tels sont les grands axes du plan de l’Allemagne face à la crise. Cette politique vise à construire un rapport de forces qui plie chaque État à la volonté des seules puissances capables d’éviter l’effondrement de l’Union européenne, l’Allemagne et son alliée la France, pour tenter de surmonter la contradiction qui est au cœur de la crise de la zone euro : une monnaie sans État ou plutôt une monnaie déchirée entre plusieurs États aux intérêts divergents. La seule voie capitaliste pour éviter l’implosion de l’Europe est que les puissances dominantes soient capables d’imposer une unité par la contrainte économique et financière. Cette voie est celle de la dictature des marchés... Elle foule aux pieds les droits démocratiques comme les droits sociaux, nourrit la dette et entraîne la récession. Elle exige une réponse globale qui lie la défense des droits sociaux à la conquête de la démocratie au niveau européen.
Le camp des travailleurs et des peuples
Les causes profondes de la crise de l’euro ne sont pas des problèmes de technique budgétaire ou financière. Elles sont sociales et politiques, déterminées par les rapports entre les classes. Les bourgeoisies européennes se sont alliées pour faire face à la concurrence mondiale en tentant de sortir de leurs divisions de nations de la vieille Europe ; elles ont créé un marché commun puis une monnaie unique sans pour autant être capables de dépasser ces divisions. Leur politique était minée par une double contradiction, leur lutte contre leur classe ouvrière et leurs rivalités pour l’appropriation des richesses produites. C’est le développement de cette double contradiction qui conduit à la crise actuelle dont les symptômes sont la dette, l’austérité et la crise des institutions européennes. Les bourgeoisies européennes sont incapables de dépasser ces contradictions, seule la classe ouvrière est à même d’indiquer le chemin pour sortir de la crise car elle n’a aucun privilège national à défendre. Elle seule est capable de résoudre la question sociale et nationale de façon démocratique. C’est bien pourquoi l’issue de la crise de leur Europe passe par la mobilisation du monde du travail sur le terrain politique pour défendre ses droits, défense indissociable de la lutte pour une autre Europe qui ne soit pas celle de la concurrence et du profit mais celle de la solidarité et de la coopération.
Stopper les plans d’austérité, annuler la dette, défendre les droits sociaux
La première dimension de la crise européenne s’intègre aux mécanismes de la crise globale du capitalisme mondial, suraccumulation de capitaux d’un côté, limite et recul de la consommation des masses de l’autre, chute des profits compensée par les spéculations et une accentuation des rapports d’exploitation. À l’origine de la dette, la volonté des États de se porter garants de la rentabilité financière de l’économie, de consolider le système financier miné par les spéculations qui visent à pallier la difficulté de réaliser les profits. L’issue combine la lutte contre les conséquences de l’exacerbation de l’exploitation avec celle contre la suraccumulation du capital et les spéculations financières.Il n’y a pas de réponse à la crise qui ne commence par le changement du rapport de forces en imposant une autre répartition des richesses. L’augmentation des salaires pour vivre dignement et financer la protection sociale et les régimes de retraite, la fixation d’un salaire minimum européen, l’éradication du chômage et de la précarité par l’interdiction des licenciements, la répartition du travail en diminuant le temps de travail sans réduction de salaire et en créant des emplois, la lutte contre les privatisations par le développement des services publics sont les axes autour desquels se joue et se construit le rapport de forces.Elles débouchent directement sur le refus de payer la dette, l’exigence d’un audit populaire en vue de son annulation. Il ne saurait s’agir de simples allègements comme ceux qu’ont décidés les créanciers de la Grèce. Ceux-ci ne visent qu’à maintenir en vie le débiteur pour continuer à le saigner. Il s’agit, au contraire, de prendre le mal à la racine pour en finir avec la soumission des États aux intérêts de l’aristocratie financière.
Pour un service public bancaire
Cette politique implique une refonte globale du système de crédit qui doit devenir un service public au service de la société et non du profit et des spéculations. Les États doivent être en mesure de contrôler et de diriger l’activité économique et donc disposer d’instruments pour réaliser des investissements, financer les dépenses publiques. Pour cela, il faut exproprier sans indemnisation les banques pour les socialiser sous le contrôle de la population. Le secteur des assurances est aussi au cœur de la crise actuelle. À la recherche du maximum de profit immédiat, elles ont spéculé dangereusement avec les primes payées par les assurés, avec l’épargne récoltée sous la forme d’assurance vie ou de cotisations volontaires en vue d’une retraite complémentaire. L’expropriation des assurances est la seule possibilité d’éviter leur débâcle pour protéger petits épargnants et assurés.
La règle d’or d’une fiscalité anticapitaliste
L’union budgétaire dont se revendique Angela Merkel se construit autour de la règle d’or de l’austérité pour réduire les déficits. C’est bien l’inverse qu’il faut faire, instituer une fiscalité anticapitaliste qui donne aux États les moyens de financer leur politique. Il s’agit de mettre fin à la baisse des impôts sur les revenus les plus élevés et sur les grandes entreprises, ces cadeaux fiscaux qui ont pour l’essentiel alimenté la spéculation et l’accumulation de richesses entre les mains des plus riches. Le but est une augmentation des recettes publiques, notamment via l’impôt progressif sur le revenu des personnes physiques les plus riches, l’impôt sur le patrimoine à partir d’un certain montant et l’impôt sur les sociétés. Cette augmentation des recettes doit aller de pair avec une baisse rapide du prix d’accès aux biens et services de première nécessité (aliments de base, eau, électricité, chauffage, transports publics, matériel scolaire…), notamment par une réduction forte et ciblée de la TVA sur ces biens et services vitaux. Certes, les politiques budgétaires et fiscales ne pourront être uniformisées d’un coup de baguette magique car les économies européennes présentent de fortes disparités, mais coordonnées pour qu’enfin émerge une solution « vers le haut ».
Des exigences qui ne peuvent s’appliquer qu’au niveau européen
La sortie de l’euro est souvent présentée, y compris à gauche, comme une des conditions pour sortir de la crise. C’est une erreur car si les luttes gardent pour cadre premier l’arène nationale, la zone euro et l’UE sont l’espace politique réel dans lequel doit s’inscrire la lutte du mouvement ouvrier. Et, en fait, le problème n’est pas l’euro mais bien la politique, dont il est l’instrument, définie par les traités qui régissent l’Union européenne, la zone euro et la BCE. Un gouvernement soucieux de défendre les intérêts de la population aurait à abroger ces traités. Par exemple, les articles 63 et 125 du traité de Lisbonne interdisant tout contrôle des mouvements de capitaux et toute aide à un État en difficulté.
Il faut également abandonner le Pacte de stabilité et de croissance. Le MES doit être éliminé. Au-delà, il faut remplacer les actuels traités par de nouveaux dans le cadre d’un véritable processus constituant démocratique afin d’aboutir à un pacte de solidarité des peuples pour l’emploi et l’environnement.Toute politique qui d’une façon ou d’une autre justifierait un repli national serait une erreur qui profiterait aux forces populistes. Les économies des différents pays sont tellement interdépendantes, et pas uniquement sur le plan financier, que toute issue démocratique de la crise passe par la construction d’une autre Europe.Il faut revoir complètement la politique monétaire ainsi que le statut et la pratique de la BCE qui, au lieu d’être l’instrument des banques et des financiers hors du contrôle des États, doit être intégrée dans un service public bancaire européen coordonné dans le cadre États-Unis européens. Ce service public bancaire sera le réseau nourricier d’une Europe bâtie sur la solidarité et la coopération, l’instrument d’une planification démocratique.
Conquérir la démocratie, le droit et les possibilités de contrôle
La mise en œuvre de cette politique nécessite la conquête du pouvoir par les travailleurs et les classes populaires, un gouvernement démocratique des travailleurs regroupant partis et organisations syndicales qui refusent l’austérité s’appuyant sur la mobilisation et l’organisation des travailleurs. Un tel bouleversement ne pourra rester enfermé dans le cadre des frontières nationales, il s’étendra à toute l’Europe pour mettre en œuvre un processus constituant en vue de la construction d’une Fédération des États socialistes d’Europe.Cette dernière s’affranchira radicalement des politiques libérales et impérialistes pour mettre fin à la politique de forteresse assiégée, pour devenir un partenaire solidaire à l’égard des peuples opprimés de la planète. Le premier pas dans ce sens sera l’annulation de la dette du tiers monde pour avancer vers une politique de coopération internationale.L’annulation de la dette est devenue le dénominateur commun de toutes les luttes pour l’émancipation des travailleurs et des peuples.