Après l’annonce par le ministre, au détour d’une interview, de la suppression de 1 800 postes, qui se sont rapidement avérés être 2 600 postes, dans le second degré, la température a commencé à monter dans les salles de profs. Mais c’est surtout dans les lycées professionnels que cette annonce est entrée en résonance avec le projet de réforme de la voie professionnelle que le gouvernement compte appliquer à la rentrée 2019.
Cette réforme a pour fonction d’adapter les lycées pro (enseignantEs et élèves) aux objectifs du gouvernement : une éducation au rabais, sans contenu ni professionnel ni général, juste formatée pour préparer les jeunes à devenir des travailleurEs disciplinés et malléables que les employeurs formeront et -exploiteront en fonction des besoins.
Les calculs sont en effet rapides : 252 heures d’enseignement en moins pour une classe de bac professionnel, plus des regroupement de filières et une augmentation du nombre d’élèves par classe, cela représente des milliers de postes. Surtout si, avec les nouveaux programmes vides de contenu (par exemple 2 h de français ou 1 h 30 de maths par semaine), Blanquer met en œuvre ses projets de numérisation de l’enseignement qui vise à imposer aux enseignantEs des cours pré-numérisés à mettre en œuvre. Autant dire plus une once de liberté pédagogique, de construction de cours, donc plus de justification aux 18 h devant les élèves. Pour surveiller des élèves qui remplissent des fiches, pas besoin de formation pédagogique, et bien sûr remise à plat possible du temps de travail des enseignantEs… à la hausse bien évidemment. Ce qui permettrait encore davantage de suppressions de postes.
Taux de grève inédit depuis une dizaine d’années
Dans les LP, l’inquiétude est donc légitimement forte, et l’appel intersyndical à la grève pour le jeudi 27 septembre a été discuté partout où des équipes syndicales l’ont relayé. La colère le dispute à l’incrédulité devant le désastre annoncé pour les élèves et la transformation radicale des conditions de travail. Et ce qui est posé, au-delà de la grève du 27, c’est la question de la possibilité de faire reculer le ministère sur une réforme en cohérence totale avec les projets de suppressions de postes dans la fonction publique et les transformations du marché du travail, débarrassé des conventions collectives et autres droits sociaux hérités du 20e siècle. Dans les LP, depuis la victoire de 2000 sur le statut mettant à égalité de traitement les enseignantEs des disciplines professionnelles et générales, il y a eu la défaite face à la réforme du bac pro (2009), ainsi que les reculs interprofessionnels (régionalisation et retraites en 2003 et 2010).
La grève du 27 a été suivie par 13,5 % (chiffres du ministère), ce qui signifie en réalité plus d’un enseignant sur quatre en grève. Des chiffres inédits depuis une dizaine d’années. Mais surtout, des AG ont eu lieu dans des établissements, et entre établissements (23 établissements à Marseille, 20 en région parisienne...) pour discuter des suites. Ce qui était au centre des discussions, c’est la perspective de construire une grève reconductible des lycées professionnels et de l’élargir aux lycées généraux et technologiques, eux aussi cibles des suppressions de postes par le biais de la réforme du lycée et du bac. À l’AG parisienne, des collèges et lycées généraux mobilisés sur des problèmes locaux étaient d’ailleurs présents. La prochaine étape sera le 9 octobre, veille du Conseil supérieur de l’Éducation qui discutera de la réforme de la voie professionnelle.
Cathy Billard