Publié le Vendredi 26 mai 2023 à 15h00.

Les élèves des lycées professionnels ne sont pas de la chair à patrons

« Ce n’est pas simplement une réforme dont je suis venu parler aujourd’hui. C’est une cause nationale. Parce que je crois que les élèves qui sont là ont toutes les raisons d’être fiers d’être dans ces voies », déclarait Macron le 4 mai aux élèves d’un lycée professionnel (LP) de Saintes contraintEs de l’écouter. Un florilège de cynisme et de mépris en quelques mots.

Le seul élément réaliste de ces paroles, c’est qu’il ne s’agit « pas simplement [d’]une réforme ». Macron s’inscrit dans la continuité totale des « réformes » de 2009 et 2019, reprenant les mêmes éléments de diagnostic et les mêmes pseudo-solutions. Quand on passe du quantitatif au qualitatif, du sabordage à la liquidation de l­’enseignement professionnel.

Des critères d’analyse biaisés

Pour ce gouvernement et ses experts qui substituent à la réalité du vécu des premierEs concernéEs des statistiques et des cartographies, leurs projets s’appuient sur deux indicateurs de l’enseignement professionnel : les statistiques des élèves poursuivant leurs études après le bac et ceux ayant un emploi six mois après leur sortie du lycée (« critère d’employabilité »). L’objectif ? La fermeture des filières dont les résultats seraient en-dessous de moyennes définies « on ne sait comment ». Un pur déni d’analyse ! Car il est évident que le résultat des réformes Darcos et Blanquer ont laminé les possibilités des élèves de LP de poursuivre des études et de trouver rapidement un emploi. Darcos avait supprimé plus d’une année d’enseignement, en passant le bac pro de 4 à 3 années d’enseignement, avec en plus un allègement du nombre d’heures hebdomadaire, donc une diminution du volume des enseignements aussi bien professionnels que généraux. La réforme Blanquer de 2019 a supprimé 12 % des emplois du temps et en plus transformé des horaires disciplinaires (français, maths ou enseignement pro) en dispositifs sans contenu ni objectif clair pour les élèves : accompagnement, co-intervention, chef-d’œuvre. Et c’est pourtant là l’apport essentiel de l’école. Il ne s’agit pas de « trouver un métier », dont on ne pourrait jamais changer, mais au contraire de transmettre des connaissances, des savoirs et savoir-faire qui permettent l’autonomie des jeunes dans le monde du travail. En coupant cette branche, Macron vise à diminuer les possibilités d’émancipation de la jeunesse. Cette réforme a largement de quoi démotiver des élèves et les pousser à décrocher d’une formation qui ne leur permet ni de progresser dans leur ouverture à des cultures générales ni de ­maîtriser un domaine professionnel.

En finir avec « l’orientation subie » Macron dixit

Outre ces raisons qui font de plus en plus du LP une orientation subie, il y a évidemment la construction sociale du modèle de réussite que l’école reproduit mécaniquement générant frustration, sentiment d’échec et manque de confiance en soi dans toute une partie de la jeunesse. À commencer par les enfants des milieux populaires qui forment plus de 90 % des élèves orientés en LP. Mécanismes qui vont être démultipliés par cette « réforme » qui, si elle passait, en appellerait d’autres. Car il ne s’agit même plus de vouloir remplacer le LP par l’apprentissage. Des pseudo-conversations avec les partenaires sociaux, la double tutelle des LP (Éducation nationale et Travail-Emploi) a bien retenu les message des syndicats patronaux : ils ne veulent pas des élèves de LP dans leurs entreprises, trop compliqué de les gérer. 

Au fond, le patronat a besoin de deux types de travailleurEs : une catégorie bardée de qualifications ultraprécises qui accompagneront la prochaine évolution industrielle, et des exécutantEs, qui intégrent leur place subalterne dans la société, qui s’y résignent et ne rechignent pas à tout ce qui leur sera imposé dans un parcours de vie sous le signe de la précarité généralisée. C’est donc une question politique pour toutes et tous, pas seulement pour les personnelEs et usagerEs de l’école, qui suppose d’en finir avec Macron et son monde. C’est pourquoi il faut réussir la grève du 30 mai contre cette entreprise de destruction et s’appuyer sur le 6 juin pour continuer.