Publié le Mercredi 7 septembre 2022 à 19h00.

Éducation nationale : une rentrée pire que les autres

Dans les médias, le ministre de l’Éducation Pap Ndiaye s’est dit « satisfait » de sa rentrée. Exercice de communication convenu, les déclarations ministérielles n’ont pas pu, cette année, résister au constat qu’usagerEs comme personnels ont pu effectuer.

La dernière semaine d’août a montré une fébrilité certaine du côté du pouvoir. Avec plusieurs milliers de postes, dans le primaire comme dans le secondaire, non pourvus suite au concours 2022, faisant suite à plusieurs années de pénurie, avec l’augmentation exponentielle des démissions et des ruptures conventionnelles, le tocsin sonnait fort au gouvernement : la rentrée serait un échec si chaque classe n’avait pas unE enseignantE à la rentrée. C’est donc une véritable chasse au contractuelE qui a eu lieu durant l’été.

Un manque de personnel sans précédent

Le recrutement a ainsi été effectué en promettant des facilités d’affectation. Facilités qui se sont exercées, selon l’aveu même du recteur de Créteil, au détriment des titulaires ! Mais, au-delà du recrutement, c’est aussi un effort de « fidélisation » qui a été déployé. Les rectorats ont parfois offert des contrats nettement mieux rémunérés que les ­stagiaires ou néo-titulaires.

Malgré tous ces efforts déployés, le bilan reste mauvais. Aucun département n’est à ce jour complètement doté. Partout il manque des profs dans les collèges, des temps partiels ou des décharges de direction ne sont pas complétées dans le primaire, et il manque toujours autant de d’administratifEs, d’infirmierEs, d’AS… Quand, dans quelques semaines, les démissions des contractuelEs commenceront à se faire sentir, les remplacements d’absence ne seront assurés nulle part (les personnels dédiés étant d’ores et déjà affectés à l’année), le discours ministériel ne tiendra plus.

Ces recrutements express ne parviennent pas à compenser les hausses du nombre d’élèves pourtant prévisibles. Dans de nombreux établissements du secondaire, notamment les plus populaires, les effectifs par classe explosent une nouvelle fois.

À quel jeu joue le gouvernement ?

Au-delà de la crise structurelle, les réponses apportées doivent être scrutées à l’aune de l’objectif des libéraux au pouvoir. Ainsi si les nouvelles conditions salariales et d’affectation des contractuelEs sont de bonnes nouvelles pour les personnels concernés, ces efforts, conjugués à l’annonce d’un concours de titularisation, ne sont pas l’expression d’une empathie soudaine mais révélateur d’un projet politique. L’enjeu est bien d’ouvrir une double entrée dans le métier, par le statut et par le contrat, en favorisant, cela va de soi, la deuxième hypothèse.

Il faut mettre cela en parallèle avec le développement annoncé des Contrats locaux d’accompagnement (CLA) et des cités éducatives. Dans ces deux dispositifs, une enveloppe spécifique de moyens sera allouée en fonction de l’évaluation faite par l’institution des projets en place. En gros cela revient à donner plus à celles et ceux qui feront ce qui plaira aux donneurs d’ordre.

Individualisation des carrières via la casse du statut et contractualisation des moyens via l’autonomie : voilà les deux moyens que le gouvernement avance. Et l’objectif est simple : il s’agit d’assujettir les personnels et leurs pratiques pour enlever toute mission émancipatrice à cette école de classe.

Renverser la vapeur

Mettre en échec cette stratégie nécessite deux actions concomitantes. La première consiste à organiser la colère qui s’exprime. Ainsi, des grèves ont commencé dans certains établissements, et vont se multiplier. Dans l’académie de Grenoble, une AG intersyndicale a réuni 80 collègues et a appelé à la grève départementale le jeudi 8 septembre. Dans l’académie de Créteil, plusieurs collèges et lycées étaient en grève dès le lundi 5 septembre, avec un rassemblement organisé dans le 93 devant la DSDEN. Dans le 92, le lycée Galilée de Gennevilliers a voté la grève reconductible à partir du 5. C’est dans cette perspective que la grève interprofessionnelle du 29 septembre, appelée par la CGT, la FSU et Solidaires, constitue un point d’appui important. En effet, la question des salaires, indigents dans l’Éducation nationale, notamment pour les AESH, est une des questions clefs qui explique la difficulté à recruter. Il faudra, selon le climat des assemblées générales auxquelles il faut inciter le plus de personnels à participer, construire d’autres dates de mobilisation, en s’appuyant sur les mobilisations qui se font jour dans le secteur.

La deuxième consiste à continuer à montrer à l’opinion publique l’état réel de l’école et de celles et ceux qui la font tourner au quotidien. La grève du 13 janvier 2022 avait montré à quel point le soutien de l’opinion publique était à la fois du carburant pour les grévistes, et un appui considérable face à nos gouvernants. Et dans une période où l’ensemble de notre camp social est frappé par une hausse massive des prix, ce soutien est totalement accessible. C’est aussi l’occasion, avec les forces syndicales, mouvements pédagogiques, de construire et proposer un autre projet pour l’école autour d’un socle unifiant de revendications.

La potentialité de la période est forte. Il ne s’agit pas de faire valoir les intérêts des unEs au détriment des autres mais, au contraire, de créer dans chaque secteur les conditions pour que la colère s’exprime à l’instar de ce qui se passe outre-Manche.