Publié le Mercredi 26 octobre 2022 à 19h00.

Lycées professionnels : une première mobilisation qui en appelle d’autres

Le 18 octobre, comme il était prévisible, et souhaitable car cela montre qu’il y avait du monde venu des autres secteurs, la grève des lycées professionnels n’a pas eu beaucoup de visibilité dans le champ médiatique. Et pourtant c’était une mobilisation historique.

Plus de 60 % de grévistes d’après la CGT Éduc, des LP « morts » et des débrayages d’élèves. Autant dire que de grosses majorité de professeurEs étaient en grève, du moins parmi les titulaires. Les LP détiennent en effet, entre autres records, celui du nombre d’enseignantEs contractuels, 16 % contre 9 % dans l’ensemble du second degré. Et c’est évidemment une moyenne qui explose suivant les académies (Créteil et Versailles par exemple) et suivant les disciplines. Dans les disciplines professionnelles, il peut y avoir jusqu’autour de 40 % d’enseignantEs contractuels, en particulier dans les « métiers d’art ».

La coupe déborde

Cette troisième réforme en 14 ans fait déborder la coupe du ras-le-bol pour les profs de LP, déjà bien remplie par la dégradation des conditions de travail due à l’augmentation du nombre d’élèves dans les classes, et la perte de sens pour les élèves en lien avec l’amaigrissement des contenus des programmes. En effet avec la réforme de 2009, les élèves de bac pro ont perdu un quart de leur temps de formation et 30 % des heures d’enseignement général, 20 % des heures d’enseignement professionnel avec la réforme de 2019, dont aucun bilan n’a été tiré ! En 2017, les LP qui l’étaient ont perdu la classification Éducation prioritaire, avec la double peine : plus d’élèves par classe et moins d’heures pour dédoubler les cours. Donc des conditions d’études profondément dégradées pour des élèves qui ont besoin de temps et d’attentions spécifiques pour surmonter leurs difficultés. Résultats : augmentation de l’absentéisme et du décrochage scolaire. Phénomène encore accentué par le fait que les élèves des LP viennent pour la plus grande partie d’entre elles et eux de familles parmi les plus précaires (ce qui justifie normalement le classement en Éducation prioritaire : « Donner plus à ceux qui ont moins »). Alors les jeunes travaillent de plus en plus, à côté, voire à la place des heures de cours… Pas besoin d’expliquer longuement aux enseignantEs que cette nouvelle réforme va accélérer le mouvement avec le risque grandissant de disparition des LP. D’ailleurs, la semaine de la grève, a fuité l’annonce de la fermeture de six LP dans Paris intra-muros : y aurait-il des opérations immobilières à réaliser aux dépens des lycéenEs de ces établissements ?

Mépris du ministère

La réponse du ministère à ce mouvement inédit a été l’affichage de son mépris : la ministre a maintenu l’agenda de sa réforme avec l’installation vendredi 21 de quatre pseudos « groupes de travail » pour avancer sur son projet de démantèlement. La CGT et la FSU ont refusé de participer à cette mascarade. Seule la mobilisation continue et déterminée des enseignantEs, en lien avec les parents et les élèves, pourra imposer à Macron et sa ministre de renoncer à leur projet. Mais au-delà, elle permettra de poser la question de la refondation de l’enseignement professionnel, de ses conditions et de son cadre. En effet, ce qui commence à être porté par certaines organisations syndicales, c’est la revendication de vrais moyens pour permettre un lycée unique jusqu’à 18 ans et une allocation d’études pour touTEs les lycéenEs. C’est l’unique voie pour contrer l’approfondissement de la ségrégation sociale provoqué par la reproduction des rapports de classes existants. Un prochaine journée de grève est appelée par l’intersyndicale le 17 novembre.