Les patrons de Transdev connaissent leurs premiers jours sans grève en Île-de-France depuis le 2 septembre. Commencé à Sénart, le mouvement de grève a pris fin à Vulaines dans les derniers jours d’octobre, en étant passé par Vaux-le-Pénil, Chelles, Bailly-Romainvilliers, Lagny, Montereau, Saint-Gratien, et Nemours, sans compter les dépôts où la grève n’a pas (encore) commencé, mais où les grévistes se sont projetés, et tous les autres qui ont suivi la grève de loin mais où elle a déjà contribué à changer l’ambiance.
Les patrons soufflent, mais n’en sortent pas indemnes. Les grévistes ont en effet emmagasiné une sacrée expérience, et ont tissé à l’intérieur de chaque dépôt des liens très solides entre elles et eux, voire entre différents dépôts. C’est ce qui leur a permis dès les différentes reprises de ne pas repartir docilement sous les cadences d’avant la grève, et de surveiller de très près les accords décrochés par la grève.
C’est une fierté ouvrière qui a été gagnée
Même dans la reprise du boulot, beaucoup de grévistes conservent une attitude combative. C’est collectivement qu’ils et elles font remonter les dysfonctionnements qui auparavant augmentaient la pression sur chaque conducteur. Avec ce collectif, c’est une fierté ouvrière qui a été gagnée. Et au-delà de cette conscience collective qui va permettre de mieux résister dans le futur aux patrons, les grévistes ont déjà fait cracher quelques dents (en or bien sûr) à Transdev. Le mouvement d’ensemble a ainsi contraint le groupe à revenir sur sa volonté de sous-payer drastiquement les temps de pause, comme le prévoit la convention collective – l’indemnisation est maintenant à 100 % du taux horaire.
Mais cette revalorisation ne doit pas dissimuler que l’essentiel de l’attaque patronale est passée. Car ce « temps indemnisé » (TI) a beau l’être à 100 %, il est maintenant distingué du « temps de travail effectif » (TTE). Ce qui permet aux patrons à la fois de faire travailler plus longtemps et plus intensément, mais aussi de déclarer certaines semaines en « insuffisance horaire », car le compte des 35 heures de TTE n’y est pas, même si la semaine peut dépasser les 38 heures. Cette magouille permet aussi de ne pas rémunérer comme avant les heures supplémentaires, qui sont en soi déjà une arnaque patronale pour ne pas embaucher le nombre de salariéEs nécessaires, mais qui permettaient comme souvent de compléter le salaire de base indécemment bas.
Populariser l’expérience de cette grève
Bref, cette distinction TTE/TI entraîne plus de travail pour touTEs les conducteurEs, et pas forcément pour de meilleurs salaires. D’autant qu’aucune des organisations syndicales ayant négocié ne s’est battue pour faire sauter la « clause du grand-père », importée de la SNCF, qui prévoit que les nouveaux embauchés ne bénéficient pas des accords de fin de conflit. Les patrons vont donc se retrouver avec des salariéEs qui font le même travail, mais avec une rémunération différente – et on sait à quel point l’imagination des RH peut être perverse dans ce cas de figure. Cette division entre salariéEs risque également de poser problème lors des nouveaux appels d’offres, prévus à intervalles réguliers par la loi. Les nouveaux et nouvelles salariéEs se battront-ils et elles aux côtés des ancienEs pour conserver leurs conditions de travail ? Tous les cinq ans faudra-t-il une grève de deux mois ?
Mais il ne s’agit pas d’attendre cinq ans. Dans les mois qui viennent, de nouvelles délégations de service public vont être attribuées, et de nouveaux et nouvelles conducteurEs vont donc voir leurs conditions de travail se dégrader. Sauf s’ils et elles anticipent dès maintenant, et profitent des liens qui ont commencé à se faire entre les dépôts voire entre les groupes du transport. Il faut garder ces liens, continuer de populariser l’expérience de cette grève, pour contrer l’étalement du projet patronal dans le temps. La lutte ne fait que commencer !