Le 14 février, le parti qui se présente comme « nationaliste de gauche » a remporté 48 % des suffrages aux élections législatives – un score qu’aucun parti n’a atteint depuis la mise en place du protectorat international après la fin de la guerre de l’Otan en 1999 ou dans le cadre de l’État indépendant auto-proclamé en 20081.
Ces élections surviennent après des années de crises constitutionnelles et politiques, et en pleine pandémie. En décembre, la Cour constitutionnelle a provoqué ces législatives anticipées en invalidant le gouvernement en place dont la ratification parlementaire avait été acquise de justesse en comptant le vote d’un député condamné par la justice. En novembre, le président Hashim Thaçi dirigeant historique du Parti démocratique du Kosovo (PDK) – un des commandants de l’UCK, armée de libération du Kosovo – inculpé par la Cour de la Haye, avait été déchu. Il attend son jugement pour crimes de guerre.
Le parti Vetëvendosje
Vetëvendosje (VV) a, de son côté, connu des évolutions et crises majeures. Il affichait lors de sa création en 2004 « un profil ethno-nationaliste »2 et prônait l’union avec l’Albanie. Son discours devenant plus social et dénonçant la corruption lui a valu une popularité croissante, d’autant qu’il s’adressait aussi aux Serbes du Kosovo : la recherche d’entente avec eux a été privilégiée sur les « négociations » avec Belgrade, menées de façon opaque par le président Thaçi sous pression de l’administration Trump. Celle-ci prônait des transferts de populations vers de nouvelles frontières ethniques comme condition d’une reconnaissance par Belgrade de l’indépendance du Kosovo. Tout en refusant cette logique, VV évoluait vers une politique de souveraineté populaire démocratique répondant aux besoins concrets de la population du Kosovo. Mais, sur arrière-plan de contradictions entre orientations sociales et recherche d’une reconnaissance internationale, le fonctionnement interne de VV a provoqué en 2018 une « autodestruction du parti »3 faute de modalités démocratiques d’expression des désaccords – notamment à l’égard du principal dirigeant, Arbin Kurti.
Contradictions majeures
L’actuelle victoire électorale survient néanmoins après plusieurs années d’ancrage local du parti grâce à ses succès aux municipales – notamment à Pristina, mais aussi après une faible majorité aux législatives de 2019. Celle-ci conduisit à une précaire alliance gouvernementale de VV avec la Ligue démocratique du Kosovo (la LDK du dirigeant historique Ibrahim Rugova), de centre-droit. Arbin Kurti assuma la tête du gouvernement pendant quelque 50 jours et non sans désillusion populaire face à la faiblesse des politiques sociales réalisées. C’est une motion de censure initiée par la LDK qui l’a fait tomber en mars 2020. À l’arrière-plan : des actions spectaculaires menées par Kurti (lui valant une condamnation) sur des enjeux de frontières.
Contre les désillusions populaires, VV a multiplié les promesses : dissoudre l’Agence de privatisation, créer un fonds souverain de gestion des entreprises publiques, assurer la gratuité des frais de scolarité pour les étudiantEs, des congés parentaux et des services de protection sociale notamment pour les mères célibataires et les personnes âgées. Il a rallié un vote massif de la diaspora (un tiers de la population, qui rapporte 60 % du budget du pays) et des femmes (61 % contre 47 % des hommes4). Albin Kurti déclare vouloir « en finir avec l’ancien régime » en répondant à des priorités sociales. Il espère une intégration du Kosovo avec l’ensemble des Balkans de l’Ouest5 dans l’UE. Ce sont des défis sources de contradictions majeures.
- 1. Reconnu par 93 des 193 membres de l’ONU.
- 2. Le Courrier des Balkans, 28 avril 2020.
- 3. Le Courrier des Balkans, 30 janvier 2018.
- 4. Voir sur ces élections Lefteast Criticatac et le Courrier des Balkans du 16 février 2021.
- 5. Ils regroupent les pays issus de l’ancienne Yougoslavie et l’Albanie, reconnus par l’UE comme candidats potentiels, le Kosovo étant doté d’un statut ad hoc.